Interview Riley Yip

 

A t-il été facile d'obtenir Takeshi Kaneshiro pour jouer le rôle d'Angel ?

Assez, oui. J'ai écrit le scénario avec une idée très précise du personnage et je pensais que Takeshi Kaneshiro serait parfait pour ce rôle. J'ai envoyé le scénario à son agent et j'ai rapidement obtenu une réponde positive.

Quel est selon vous le véritable sujet de Lavender ?

Pour moi, le film a deux niveaux. Le premier est celui de la fantaisie, qui n'exclut pas une certaine naïveté, voire même une certaine superficialité ; quant au second, il concerne le véritable sujet du film : la renaissance de l'amour après une tragédie.

Quelle est la symbolique de l'ange dans votre film ?

Evidemment, j'ai vu Les Ailes du Désir de Wim Wenders et pas mal d'autres films avec des anges. Pour moi, l'ange de Lavender échappe à toute tentative de classification. Ce n'est ni un ange catholique - même si le Pape apparaît dans le film - ni un ange à l'hollywoodienne. Pour moi, cet ange provient et fait vraiment partie des rêves de Kelly Chan, à travers lesquels son personnage parvient à raviver son potentiel amoureux. Ce n'est que lorsque l'ange la conduit vers son ancien amoureux, réincarné en taureau (sic), qu'elle réalise qu'elle est enfin prête à se défaire de son fardeau émotionnel.

 

Vous montrez quand même une femme qui a une vie facile, qui a tout...

Oui, on peut voir les choses ainsi. Cette fille a tout. Mais elle a perdu son amour quand son petit ami est mort. Quand on perd l'amour de sa vie, avant de retrouver l'amour, on a vraiment besoin d'une grande motivation, de quelque chose qui nous fasse véritablement revivre. Athena a un grand vide en elle, et elle n'a pas assez de force pour redonner un sens à sa vie. Mais c'est par le rêve qu'elle va enfin réussir à se sauver.

En choisissant l'aromathérapie et des chaussures comme composantes essentielles du scénario, vous n'avez pas certainement pas opté pour la facilité...

J'avais très envie de faire un film où les parfums, les arômes, aient vraiment un rôle à jouer dans le scénario. Quant aux chaussures, pour lesquelles l'ange éprouve une véritable adoration, elles représentent justement notre amour des choses, des objets, un amour dont nous n'avons pas forcément conscience quand nous les possédons, mais qui nous rattrape irrémédiablement le jour où nous les perdons.

On a rarement vu le pape Jean Paul II dans un film hong kongais ! Expliquez nous un peu quelles ont été vos motivations...

La scène du pape, qui utilise de simples images télévisées, est évidemment à prendre dans un contexte symbolique. Pour Angel, la question se pose de savoir quand il pourra rentrer au paradis. Or, nous voyons dans le film que les portes du paradis s'ouvrent à certaines dates. Dans cet esprit, l'apparition du pape renvoie plus à une ces dates qu'à quoi que ce soit d'autre.

A la fin du film, Athena entame une relation avec un charpentier qui construit un restaurant juste en bas de chez elle. Pourquoi avez vous aussi attribué ce petit rôle à Takeshi Kaneshiro ?

J'ai utilisé Takeshi Kaneshiro dans les deux rôles pour bien montrer comment Athena est incapable de voir l'amour qui existe tout près d'elle. Ce n'est que lorsqu'elle réalise que son ancien petit ami ne reviendra vraiment jamais dans sa vie qu'elle peut enfin voir cet homme qui habite en bas de chez elle. On peut dire qu'elle cherche l'amour d'une manière illusoire dans les étoiles, dans le ciel, mais qu'elle finit par le trouver simplement devant son palier. Cependant, c'est aussi grâce à ses rêves et à l'ange qu'elle est enfin capable d'ouvrir les yeux sur cet homme, parce qu'ils lui ont tout de même permis de faire la paix avec elle-même.

En fait, nous avons du penser à deux fins différentes pour ce film. Le happy end avec le charpentier n'était pas dans le scénario originel. A l'origine, il y avait une séquence de flashback avec un paysage et une lumière magnifiques, mais la pluie nous a tout simplement empêché de la tourner. Donc, nous avons du nous rabattre sur la deuxième fin !

La religion, les anges... On pourrait croire que vous avez fait un film à la morale édifiante. Si ce n'est que vous avez aussi réussi à glisser une histoire d'homosexualité dans votre surprenant cahier des charges...

L'homosexualité est à prendre dans le contexte complet de l'histoire d'amour. Le voisin gay éprouve de véritables sentiments d'amour pour Athena, même s'il en éprouvait davantage encore pour son petit ami ! (rires) Cette situation produit un véritable triangle amoureux, mais l'homosexualité n'est jamais qu'un à-côté de l'histoire et de ses véritables enjeux

Voyez vous Lavender comme un film d'auteur ou comme un film commercial ?

Lavender pourrait être qualifié de film d'auteur, mais un film d'auteur assez cher ! (rires) Lavender a été produit par UFO (Skyline Cruisers, Metade Fumaca) tandis que la distribution a été prise en charge par Golden Harvest. Lavender ne pouvait pas être un film à petit budget, parce que nous avons fait appel à deux stars, Takeshi Kaneshiro et Kelly Chan, pour les rôles principaux.

Comment voyez vous la situation économique actuelle du cinéma hong kongais ?

Le marché du cinéma Hong Kongais a rétréci considérablement ces dernières années, mais il semble qu'il y ait à nouveau une embellie. Cependant, je pense que pas mal de données ont changé, tant pour les producteurs que pour les réalisateurs. Il semble que nous nous orientions de plus en plus vers un style et une efficacité proprement hollywoodiens.

date
  • octobre 2002
crédits
Interviews