Interview Kenneth Bi

Pourquoi avoir choisi de tourner en DV ?
 

Ma première raison de tourner en DV est bien sur le coût qui est peu élevé. Ensuite je suis mon propre patron, j'utilise donc mon propre argent. Le financement est un des problèmes majeurs dans l'industrie cinématographique Hong-kongaise, il y a de moins en moins d'argent pour les petits projets comme le mien, tout va pour les grosses productions qui utilisent des vedettes au cachet sur-élevé. J'ai du très vite abandonner l'idée de tourner en 35 mm et par conséquent, la DV m'a paru comme un moyen de contourner tous ces soucis d'argents. Et puis à ce moment là, il fallait que je fasse quelque chose (rire).

 
Avez-vous eu des soucis durant le tournage ?
  Tourner en DV n'apporte vraiment aucun problème, il n'y a que des points positifs durant le tournage. Il suffisait de se retrouver dans un endroit précis convenu d'avance pour commencer le travail. De plus, on était jamais interrompu par quelqu'un comme c'est souvent le cas dans des productions "normales" où le matériel est plus conséquent et attire très vite l'attention des policiers ou des agents de sécurités qui viennent vous botter le cul (rire). Par contre avec la DV, personne ne prête attention à ce que vous faîtes, vous pouvez tourner dans un bus ou n'importe quel endroit peuplé de Hong Kong.
 
Parlez-nous de votre collaboration avec Fruit Chan
 

C'est vraiment par chance que j'ai été amené à composer la musique de "The Longest Summer" de Fruit Chan. Je joue de la musique mais je suis pas réellement un musicien expérimenté. En réalité, j'avais déjà travaillé sur la musique de "Made in Hong Kong" en y jouant du synthétiseur, de plus, un ami à moi travaillait sur le film et c'est donc naturellement que je me suis retrouvé à composer la musique de "The Longest Summer". Ce qui est fascinant chez Fruit Chan, c'est qu'il est réellement différent des autres réalisateurs Hong-kongais. Il a une idée très clair de ce qu'il veut réaliser mais laisse tout de même une certaine liberté aux personnes travaillant avec lui. Il aime donner son avis et n'hésitait pas à critiquer certains aspects de mon travail. Il recherche toujours une musique inhabituelle pour ses films, à l'inverse des autres productions qui resservent sans cesse les mêmes musiques ennuyeuses. J'avais donc une réelle liberté et c'est vraiment intéressant car je me sentais pleinement impliqué dans la création du film dans tous ses aspects. J'ai beaucoup appris en collaborant avec lui.

 
Etait-il au courant de votre projet ?
 

Au tout début du projet, je ne lui ai pas parlé de "A Small Miracle" (rire). Fruit Chan est un excellent réalisateur et je ne voulais pas lui exposer mon scénario avant de l'avoir tourné. En réalité je voulais pas qu'il critique mon travail avant qu'il soit réalisé (rire). Mais il a vu le film et ça lui a plut... (temps d'hésitation) oui il a apprécié (rire).

 
La musique Hip Hop dans " A Small Miracle " est assez surprenante. On n'entend pas souvent ce genre de musique dans les film HK.
  Oui cette musique est inhabituelle dans les films Hong-kongais. A vrais dire, le personnage principal de mon film (interprété par Man Fon NDR) est un peu un sosie chinois de Woody Allen, je ne voulais pas intégrer de la musique rigolote (rire). Et puis l'histoire abordait le problème de la drogue, mon choix s'est donc porté sur le Hip-Hop. Je trouvais ça amusant de mettre ce type de musique pour accompagner ce drôle de petit personnage. Un personnage Hip et de la musique Hip, ça sonne juste ! (rire). Je voulais ce contraste.
 
Etes-vous plus inspiré par la réalisation ou la composition ?
  Réaliser bien sûr, j'ai étudié le théâtre pendant des années. Quant à la musique, je suis tombé dedans un peu par accident, je jouais de la guitare.
 
Comment êtes-vous entrez dans le milieu du cinéma ?
  Mes parents sont des acteurs connus à Hong Kong, en revenant de mes études au Canada, on m'a présenté à certaines personnes et c'est comme ça que j'ai commencé. J'avais une réelle formation dans le théâtre, le monde du cinéma m'était alors inconnu. J'ai donc du apprendre sur le tas à partir de 1993. J'ai été successivement acteur, scénariste, musicien, bref petit à petit, je me suis familiarisé avec la technique cinématographique ce qui est primordial pour travailler dans ce milieu. Ca m'a pris du temps.
 
Comment avez-vous été amené à travailler avec Sam Lee ?
 

J'avais travaillé sur "Made in Hong Kong" pendant quelques jours en tant que régisseur. L'équipe était extrêmement réduite et Sam Lee m'aidait à transporter la lumière avant de se mettre devant la caméra pour jouer. C'est comme ça qu'on s'est connu et par la suite, il s'est retrouvé dans mon film. A ses débuts, c'était un comédien de films d'auteurs, maintenant l'industrie du cinéma Hong Kongais on a malheureusement fait un acteur standardisé et ça se ressent sur son jeu d'acteur. Mais ça reste un acteur qui a énormément de talent.

 
Parlez-nous de vos futur projets.
 

Actuellement je travaille sur mon prochain film pour la télévision qui sera une co-production Taiwanaise. Ma productrice a entres autres travaillé sur "Beijing Bicycle" et d'autres productions Hong-Kongaise, Taiwanaise et Chinoise. J'espère pouvoir commencer le tournage du film dans deux trois mois. Si ça se passe bien, on pourra s'aventurer dans un projet plus ambitieux. Ceci dit j'ai aussi bénéficié d'une aide de la part du Festival de Pusan pour un film intitulé "Hainan Chicken Rice" et qui se tournera à Singapour. Beaucoup de jeunes réalisateurs font leur début de cette façon, car il s'agit de gagner des aides financières, du cash ! (rire). Paradoxalement, mes projets se font grâce au pays voisin et pas à Hong-Kong qui de nos jours, affronte un vrai problème de créativité.

 
Votre avis sur la situation actuelle du cinéma à Hong Kong.
 

Le cinéma Hong-Kongais de nos jours est mort, complètement mort ! C'est une des raisons pour laquelle le cinéma Coréen est si prolifique actuellement. Quant au cinéma japonais il est sur la pente douce, en tant qu'industrie c'est quasiment mort, bien sûr il reste quelques réalisateurs de talent, mais c'est très difficile de faire des films de qualité la-bas.

 
Quels sont les réalisateurs (asiatique et autre) que vous appréciez le plus ?

Pour tout vous avouez, je n'ai pas réellement de réalisateurs asiatiques préférés, à l'exception peut être de Shunji Iwai ou Masato Harada et bien sûr Akira Kurosawa. Je me sens plus proche des cinéastes américains tels que Francis Ford Coppola, les frères Cohen. Concernant la France, j'aime beaucoup Luc Besson qui fait des films vraiment accessibles pour tous sans que ce soit uniquement des films d'action.

 
Y a t-il des acteurs à Hong-Kong avec qui vous voudriez travailler ?
Aucun, vous savez les acteurs Hong-Kongais ne sont pas très disciplinés, je les déteste ! (rire)
 
Pour revenir à la musique, vous pensez utiliser encore du Hip Hop dans vos futur film ?
  Oui, je compte bien m'en servir encore, mais ce sera pas du Hip Hop américain qui n'a strictement rien à voir avec ce que je recherche, c'est beaucoup trop éloigné de ma culture. Je préfère utiliser du Hip Hop modifié pour que ça corresponde mieux à mon film. Mon compositeur préféré est Leonard Cohen, j'ai beaucoup étudié sa poésie et ses chansons et j'utiliserais une de ses dernières chansons dans mon prochain film. Un morceau intitulé "Boogie Street" du dernier album "Ten Year Songs". C'est vraiment quelqu'un d'incroyablement créatif, tout comme Nick Cave qui a beaucoup pris de lui pour son travail.
date
  • août 2002
crédits
Interviews