Afghanistan: Histoire du Cinéma

Pays en guerre depuis 30 ans, victime de quelques unes des pires heures des totalitarismes communiste et islamiste, l’Afghanistan n’a bien évidemment pas pu développer une industrie cinématographique digne de ce nom, à l’instar de son voisin iranien par exemple. Mais depuis la chute des talibans en 2001, des auteurs commencent à émerger sur la scène internationale, preuve d’une liberté d’expression et de création retrouvée. Quant au reste du monde, il s’est fréquemment intéressé à son destin, en Occident comme en Orient.

FICHE D'IDENTITE DU PAYS

  • Superficie : 647 500 km2
  • Population : 32 millions d'habitants (2007)
  • Densité : 49 hab/km2
  • Capitale : Kaboul (3 millions hab.)
  • Langues parlées : pachto, persan (dari)
  • Monnaie : afghani
  • Forme de l'Etat : République Islamique
  • PIB : 10 milliards $ (2007), dont 35% dû à l'opium
  • Pays limitrophes : Chine, Pakistan, Iran, Turkménistan, Ouzbékistan, Tadjikistan
  • Nombre de films afghans recencés sur IMDB : 31

REPERES HISTORIQUES

  • Vers l'an 1000 : premières évocations du peuple afghan dans les textes
  • 1747 : l'Afghanistan devient un Etat
  • 1776 : après Kandahar, Kaboul devient la capitale
  • 19 août 1919 : Indépendance de l'Afghanistan (ancienne province de l'Empire Britannique)
  • 1978 : coup d'Etat fomenté par l'URSS. Le pays est stratégique puisque le Pakistan est soutenu par les USA.
  • 1979-1992 : 1ère guerre d'Afghanistan. L'URSS intervient pour mater la rébellion nationaliste, mais s'embourbe dans un conflit interminable.
  • 1992-1996 : guerre civile entre un gouvernement issu de la résistance contre les soviétiques et les talibans
  • 27 septembre 1996 : les talibans prennent Kaboul et instaurent un régime islamique basé sur la Charia
  • 2001 : destruction des statues pré-islamiques de Bouddha de Bamiyan datant du VIème sicèle av. JC
  • 9 septembre 2001 : assassinat du commandant Massoud
  • Fin 2001/2002 : les USA déclarent la guerre à l'Afghanistan et renversent le régime des mollahs en quelques mois
  • 13 juin 2002 : Hamid Karzai est élu Président de la République
  • Depuis 2002 : la guerre continue entre les talibans et les forces de l'ONU. La production de pavot explose.
 

LE CINEMA EN AFGHANISTAN

Des origines à 1978

C’est l’émir d’Afghanistan Habibullah Khan (1901 et 1919), qui importa le premier le cinéma dans son pays, pour une audience limitée uniquement à la cour royale. La première projection en public d’un film muet grâce à la « boite magique » eut lieu en 1924, sous le règne d’Amir Amanullah Khan (1919-1929). Au lycée Istiqlal de Kaboul, ce sont surtout des films européens que l'on pouvait voir.

Tous les cinémas furent fermés de 1929 à 1933 sous la contrainte du clergé. En 1929, le bandit Bacha-e Saqaow imposa sa loi au pays, avant d'être chassé par Nadir Khan, ancien général sous Amir Amanullah Khan. Nadir Khan se fit couronner roi et suivit la doctrine du clergé. Les cinémas restèrent donc fermés jusqu'à son assassinat en 1933.

Zahir Shah, fils de Nadir Shah, monta sur le trône en 1934 et les écrans s'éclairèrent à nouveau, surtout de films indiens. Avant la Seconde Guerre mondiale, on pouvait aussi voir des films allemands. Au lendemain de la guerre eut lieu une courte période de libéralisation. Mais, au théâtre, les rôles féminins continuaient d'être interprétés par des hommes.

C'est à cette époque que le Théâtre de Kaboul se mit à produire des films. Il faut en effet attendre 1946 pour que le 1er film afghan ne soit réalisé. Co-produit avec la société indienne Huma film (le Pakistan n’existant pas encore), Love and Frendship , de Reshid Latifi, ne dure que 44 minutes. Les principaux rôles masculins étaient tenus par des acteurs du Théâtre de Kaboul, mais les actrices étaient indiennes. Le public accueillit très favorablement ce film, mais la nouvelle société de production ne put poursuivre son activité, faute d'argent. En outre, l'Etat afghan ne souhaitait pas financer le développement d'une industrie cinématographique.


En 1968, l'Organisme afghan du cinéma fut créé grâce à des fonds américains, mais les techniciens (monteurs, cameramen) avaient fait leurs études en Russie et en Inde. De nombreux films furent réalisés et de nouvelles sociétés de production indépendantes virent le jour, comme Nazir Film et Ariana Film, mais pour peu de temps. Citons quelques titres : Talabgar (1969), Rabia de Balkh (1974 – film collectif), The Statues Are Laughing (1976) de Toryalai Shafaq,…

1978 – 2001 : guerre et terreur

Avec la révolution de 1978, le cinéma servit avant tout de propagande à l'Etat jusqu'en 1986, lorsque Najibullah prit les rênes du gouvernement et assouplit la censure. C’est à cette époque que trois des cinéastes les plus connus, Siddiq Barmak, Abdel Wahed Nazari et Latif Ahmadi, firent leurs premières armes : dans le court métrage pour le premier (Diwar - 1983, Daira - 1985, Stranger - 1987), dans le long métrage pour le second (Lahzara - 1983), et le troisième (Akhter le bouffon - 1981, Gonah - 1983, Hamaseh Ishq - 1986).

Au début des années 90, les luttes intestines entre moudjahiddin poussèrent beaucoup de cinéastes à quitter le pays et la production afghane s'arrêta net. Seuls trois films furent réalisés durant cette période, notamment Ouruj en 1990.

Lorsque les talibans prirent le pouvoir en 1996, ils s'attaquèrent d'abord aux cinémas et brûlèrent tous les films. En 2001, ils firent sauter les Bouddhas géants de Bamiyan et tentèrent aussi de détruire le Musée national, les Archives du cinéma afghan, Radio Afghanistan et TV Afghanistan. Issaq Nizami, directeur de Radio-TV Afghanistan, décida de cacher une grande partie des archives cinématographiques avec l'aide de huit membres de son personnel. C'est enfin le 11 septembre qui permit aux Archives du cinéma afghan d'échapper aux mains des talibans.

Après 2001 : une renaissance encore timide

 OsamaTrois millions de personnes vivent aujourd’hui à Kaboul. On y compte 7 cinémas et très peu d'entrées, contre une vingtaine dans les années 70. La plupart des Kaboulis louent des films en DVD et les regardent chez eux. Les cinémas des autres grandes et petites villes d'Afghanistan ont été détruits.

La production de longs-métrages a repris, mais seuls 2 films ont eu une distribution mondiale (dont la France). Osama, tourné en 2003 par Siddiq Barmak, se penche sur la condition des femmes sous le régime des talibans, avec ce pitch angoissant où une mère décide de travestir sa fille en garçon pour continuer à vivre. Earth and Ashes quant à lui, signé Atiq Rahimi en 2004, se déroule dans un village détruit par la guerre, évoquant les souvenirs et les attentes de ses habitants. A noter que le prochain film de Barmak, Opium War, sortira courant 2008.

D’autres auteurs comme Abdel Wahed Nazari continuent à tourner, mais avec une diffusion beaucoup plus confidentielle. On le voit, le cours normal des choses reprend peu à peu, mais le cinéma afghan manque cruellement de moyens : l’argent public, on s’en doute, est consacré à d’autres projets bien plus urgents, tandis que les investisseurs privés ne se bousculent pas au portillon.

Mais l’Afghanistan existe également à travers les yeux des cinéastes étrangers, qui se sont régulièrement intéressés à son sort.


L’AFGHANISTAN VU DE L'ETRANGER

 

L’Europe

 Massoud, l\'Afghan La France a constamment tissé des liens culturels avec l’Afghanistan, et ce dès les années 1960 avec le film d’aventures La Fabuleuse aventure de Marco Polo, dont un passage est consacré au pays. Mais c’est Christophe de Ponfilly qui a le plus rapproché les 2 pays ces dernières années. Journaliste proche du commandant Massoud dès le début des années 80, il tournera au moins 3 documentaires sur son pays d’adoption : Une vallée contre un empire (1981), Les combattants de l’insolence (1984) et surtout Massoud, l'Afghan (1998), film qui remporte un important succès international. Christophe de Ponfilly a toujours été témoin, se servant de sa caméra pour faire connaître des combats. Dans une interview pour Télérama, il affirmait " Personnellement, je pense qu'une caméra peut être une arme bien plus efficace qu'une kalachnikov. Et j'ai trop horreur des armes et de ce qu'elles font subir aux hommes pour avoir la tentation de vouloir en saisir une ". En guise d’adieu, il signe L' Étoile du soldat en 2006, film de fiction sur la guerre contre les soviétiques, avant de se suicider la même année.

 Un autre documentaire est sorti récemment sur les écrans français. Cabale à Kaboul, co-production franco-belge réalisée par Dan Alexe, narre l’histoire étonnante des 2 derniers juifs de Kaboul, Isaac et Zabulon, qui vivent dans l’enceinte de la vieille synagogue, désertée et pillée. Enfin, Kabuli kid de Barmak Akram sortira courant 2008, produit par la société française Fidélité Films.

Le reste de l’Europe est plus discret. Côté italien on peut signaler le documentaire Jung (War) in the Land of the Mujaheddin datant de 2001. Côté anglais, c’est Michael Winterbottom qui se distingue : après In this world (2002), un road movie mettant en scène 2 jeunes cousins afghans grâce auquel il décroche l’Ours d’or à Berlin, il signe en 2006 le controversé The Road to Guantanamo, Ours d’argent cette fois-ci, une œuvre s’efforçant de dénoncer la politique répressive américaine suite aux attentats du 11 septembre à travers le destin de 4 anglais capturés à Kandahar.

 

L’Amérique

En provenance des USA, c'est bien évidemment le 3ème épisode de Rambo (1988) qui a marqué les esprits (encore que...), mettant en scène avec un malin plaisir la défaite de l’URSS face aux moudjahidin soutenus par la CIA. De façon piquante, ce film a été tourné en Israël avec l'accord d'Ariel Sharon. En 2008, le film de super-héros Iron Man situe à son tour son intrigue en Afghanistan, avec en toile de fond la "war on terror" contre Al-Qaida pour justifier la débauche de high-tech et d'effets spéciaux. Les paysages ne sont cependant pas afghans, mais... californiens !

On pourra aussi s’arrêter sur le film d’action The Beast of War (1988) de Kevin Reynolds, le réalisateur de Waterworld, ou encore sur le documentaire Afghan Stories (2002). Mais c'est surtout The Kite Runner (2007) de Marc Forster qu'il faut voir : il retrace l'histoire des 30 dernières années du pays de manière limpide et émouvante, et s'avère être un bel hymne à la liberté.
 

Les pays voisins

 KandaharAu sein de la prolifique production indienne, au moins 2 films ont pour toile de fond l’Afghanistan : Escape from Taliban tout d’abord, tourné en 2003 avec la belle Manisha Koirala, et plus récemment Kabul Express (2006), de Kabir Khan avec John Abraham.

 Mais c’est sans conteste l’Iran qui s’est penché avec le plus de sérieux sur la condition de leurs voisins afghans, dont plus de 2 millions sont réfugiés dans des camps placés sur leur territoire. C’est d’abord Djomeh, signé Hassan Yektapanah en 2000, et son jeune héros afghan qui tente de s’intégrer avec beaucoup de difficultés à la société iranienne après avoir fui son pays. C’est ensuite Mohsen Makhmalbaf qui secoue la planète cinéma en 2001, quelques semaines avant l’invasion US, avec son Kandahar où le destin des femmes complètement voilées et des blessés de guerre ont sans doute beaucoup fait pour la prise de conscience mondiale sur le régime des talibans. Suivront Baran (2001) de Majid Majidi, à nouveau sur les réfugiés afghans, avant que sa femme Marzieh (Stray Dogs - 2004) puis les 2 filles de Mohsen Makhmalbaf ne prennent le relais : Samira avec At five in the afternoon (2003), puis Hana avec Buddha Collapsed Out of Shame (2007).
 

Sources :
en.wikipedia.com, afghancinema.com
3continents.com pour l'historique jusqu'à 2001
date
  • mai 2008
crédits
Histoire