Interview Kim Ki Duk

En premier lieu, j’aimerais que vous me parliez de votre séjour en France. C’est devenu un vrai mythe, chacun a sa version. On dit beaucoup de choses comme le fait que vous ayez fait les beaux-arts de Paris, quelle est la part de vrai ?

Déjà le fait que j’aie été à l’école des beaux-arts n’est pas vrai du tout. Pour moi, aller en France, n’était pas pour les études, mais une sorte d’évasion. Comme j’avais beaucoup d’argent, je suis allé en France avec un visa tourisme, et j’ai continué à voyager et dormir dans les hôtels. Je me suis installé au Cap d'Agde où j’ai passé à peu près un an. Pour gagner de l’argent, je peignais le portrait des gens dans la rue et j’exposais aussi des toiles que j’avais peintes par envie et amenées avec moi. J’ai voyagé en Europe de cette façon, en exposant mes tableaux dans la rue. J’ai voyagé comme ça pendant à peu près un an de plus.

J’aimerais savoir ce qui vous a amené au cinéma

Je n’avais pas de dispositions particulières pour le cinéma. Ma première rencontre avec un film, s’est passé à ce moment à la Grande Motte près de Montpellier, c’était Le Silence des agneaux, puis j’ai vu l’Amant à Avignon, et après le film de Léo Carax Mauvais sang à Paris. C’est à peu près à ce moment là que j’ai commencé à m’intéresser au cinéma. Après je suis rentré en Corée et j’ai commencé à écrire des scénarios. Voilà l’itinéraire qui m’a amené au cinéma. Je n’ai jamais appris à l’école comment faire, parce que je n’ai jamais été à l’école. Par contre, j’ai une fois à Montpellier appris à peindre à un vietnamien.

Et en Corée non plus vous n’avez jamais pris de cours de peinture….

J’ai appris à peindre comme tout le monde, à l’école élémentaire et au collège. Et encore, il ne s’agissait pas tout à fait d’un collège parce qu’il n’y avait pas de diplôme de cet ordre. C’était une école d’agriculture. J’y ai passé trois ans et je n’ai pas eu le diplôme. Mais à part cette expérience qui est commune à tout le monde, je n’ai jamais eu de cours privés ou particuliers pour apprendre la peinture. Mais quand j’étais à l’école élémentaire et au collège, j’ai eu quelques prix dans des compétitions.

Sur la façon dont vous êtes perçu en tant que réalisateur en Corée et à l’étranger, il y a un très grand écart. En Corée, vous êtes assez mal vu, alors qu’à l’étranger votre travail est très apprécié. Comment vivez-vous cette situation, qu’en pensez-vous ?

Scène de la plage de Birdcage InnJe pense qu’il y a une question d’historicité du cinéma. C’est à dire qu’en Europe, il y avait des tas de mouvements esthétiques qui ont expérimenté des styles de films, et ça a duré pendant plusieurs siècles. Mais en Corée, l’influence, venue surtout des Etats-Unis avec les blockbusters, faciles à comprendre et tout ça, est tellement vaste ici en Corée, qu’on a moins d’espace pour accepter les films cinématographiquement. La première cause de la différence d’appréciation entre la Corée et l’Europe, je crois que ça vient de cette question de l’historicité du cinéma, qui n’est pas la même. La situation européenne permet de voir une grande variété de films. Sinon, sur l’appréhension des films en Corée, au départ il y a la pression des critiques. La révolution esthétique du cinéma coréen a toujours été attendue par la critique en Corée, comme devant venir des gens intelligents, des cinéastes comme Jang Sun woo, Lee Chang dong; qui ont fait des études supérieures. Des gens comme moi, qui n’ont pas fait d’études, on voit bien qu’il y a quelque chose de nouveau, mais on suspend leur support critique, parce qu’il n’a pas cette base qui fait politiquement correct. Parce que Lee Chang dong, Jang Sun woo avec leur intelligence confirmée, leurs hautes études, on leur donne plus facilement un soutien. Et de la part du public normal si on peu dire, comme mes personnages sont toujours un peu agresseurs et que ce public est toujours un peu conservateur par rapport à ça, parce qu’il préfère toujours voir des personnages qui sont corrects, moralement corrects. Donc ils refusent encore de suivre ce genre d’agresseurs, de délinquants, parce qu’ils sont violents. Par rapport à ça les critiques sont plutôt ouverts, parce qu’ils sont habitués à voir des gens qui ne sont pas moralement corrects.
Scène de la plage de BadguyMais de la part des critiques, c’est ce manque de fond intellectuel, confirmé académique qui suspend le soutien et d’autre part, il y a la question de la moralité qui intervient. Sur ces deux aspects, la réception de la critique et du public en Corée, je les accepte parce que ça parle aussi du visage de la Corée, c’est exactement le visage de la Corée, d’une part il y a cette exigence de forme intellectuelle et il y a cette exigence de moralité de la part du public. Et ça c’est le visage de la Corée, la réalité de la Corée. Sur la réception positive de mes films en Europe je la vois déjà comme étant liée à la culture cinématographique en Europe. Les gens ont probablement déjà vu des films comme les miens. Sinon, il y a toujours un côté inventif et différent dans mes films, et le public apprécie cette nouveauté. Et même si on me met simplement dans la catégorie de cinéma asiatique, mes films ont quelque chose de différent de ceux de Shohei Imamura, je suis différent des autres réalisateurs. Ce sont les différences que les gens apprécient, je crois. J’accepte cet écart de réception, mais j’aimerais bien que les choses changent un peu en Corée. J’ai l’impression que les films que voient les critiques font toujours partie du même registre, ce qui fait que pour ceux qui sortent de ce cadre, les critiques ne sont pas vraiment prêts à discuter. J’aimerais que les critiques changent, mais spontanément. Je suis cinéaste, ce n’est pas à moi de leur demander de changer.

Quand vous réaliser vos films, on a l’impression que vous abordez des sujets qui sont vrais, qui existent en Corée, mais qui ne sont pas ceux qui la mettent le mieux en valeur, des éléments durs dans son histoire ou dans son ordre social. En clair, vous ne croyez pas que des fois vous êtes un peu en avance sur vos thèmes par rapport à un ordre moral, un politiquement correct qui ne serait pas encore prêt à accepter les travers de sa propre société ?
En premier lieu, je pense que les personnages qu’on voit dans mes films existent partout, dans le monde entier ; ils sont aux Etats-Unis, en Europe, en Asie, ils vivent leur vie. Quand mon film Address Unknown a été présenté à Berlin, il y avait deux coréens. Quand ils ont vu le film, ils ont dit qu’ils avaient honte du fait qu’il s’agit d’un film coréen. Donc ce genre de vie existe partout, dans le monde entier, mais la spécificité coréenne c’est que depuis la fin de la guerre, toute la misère de la Corée a été montrée par les Américains au monde entier. Depuis on a cette tendance à cacher notre pauvreté ou mauvais côté. Quand on fait un film, les Coréens pensent toujours beaucoup aux réactions des étrangers, surtout des occidentaux quant à l’image de la Corée. Mais mes films ne sont pas là pour critiquer la société, ou une certaine manière de vivre, c’est même le contraire. Ces personnages ont une vie, il faut accepter cette vie. Si je voulais critiquer la société, je ferais peut être un film documentaire. Mais il faut admettre que c’est une vie, la leur… A la rigueur, ils doivent l’admettre eux-même. Il faut admettre ce qu’on est, et que les autres l’acceptent aussi.

Sur le côté documentaire justement, la mise en scène de Address Unknown y fait largement penser. Le film n'est jamais démonstratif, on suit comme témoin distant les événements , la vie de ce petit village qui s’organise autour du camp américain.

Contrairement aux autres, Address Unknown et aussi Coast Guard sont très autobiographiques. Par exemple, le Coréen dont le père est noir est quelqu’un que j’ai connu dans mon enfance. Je n’ai pas eu besoin de dessiner les personnages, ils existaient dans ma mémoire. J’ai fait appel à mes souvenirs pour les faire exister. C’est cet appel de la mémoire qui vous a fait sentir un aspect documentaire.

Dans tous les films que vous avez réalisés et que j’ai pu voir, on retrouve toujours les thèmes de la souffrance, de la douleur. Mais l’esthétique est quant à elle toujours différente, l’image change tout le temps. Qu’est ce qui provoque ces changements ? De l’Ile qui fait penser à la peinture, jusqu’à la fin qui ressemble à la peinture de Millet à Real Fiction que vous avez réalisé en un jour. Vous avez réalisé un certain nombre de films en assez peu de temps au fond, mais on est toujours surpris par l’image, elle n’est jamais la même d’un film à un autre.

Plan final de l'IleDans la vie, il n’y a pas vraiment de grands espoirs ou de grands désespoirs. Je pense que l’événement le plus important dans la vie, c’est la mort, mais la mort n’influence pas vraiment la vie… On est tranquille. On parle souvent de La vie, comme s’il y avait une vie standard. Ça ne m’intéresse pas. Il y a toujours la vie d’une personne, d’un individu… qui peut être très humain, ou pas humain du tout, mais chaque vie doit être respectée telle quelle. Ce que je cherche dans mes films, même dans la douleur, ou dans un environnement très pauvre c’est qu’on pense, ce qu’on vit, on peut avoir une vie qui contrôle cette condition physique. Dans mes films, on voit des putains, des voyous, des gangsters… Ce n'est pas qu’ils soient foutus l'important, ce qui importe c’est leur manière de penser, d’appréhender les événements… Ils ont un certain contrôle de leur vie et c’est une fois qu’on a accepté ça, une fois qu’on les a acceptés comme individus qu’on peut commencer à communiquer avec eux.
Ce qui fait qu’en répétant un peu près les mêmes thèmes, c’est un rapport au cinéma qui a changé. Par rapport au sujet même, c’est la taille du cadre que je change toujours. Par exemple dans mon dernier film, Cinq Saisons, qui est en cours de tournage, c’est vraiment en plan général sur la vie, on parle de la vie comme on parle de saisons. Sinon, Address Unknown, c’est un cadre un peu plus serré pour parler de l’histoire moderne de la Corée. Sinon, un film comme L’Ile, c’est un gros plan sur ce qu’est l’amour, ou ce que peut devenir l’amour. C’est pour ça que dans ce leitmotiv qui se répète, on peut y voir un changement esthétique.

Est-ce que c’est justement pour les rendre individus, pour qu’on les perçoive comme des individus et non comme norme que vous dessinez des personnages aussi extrêmes ? Que ce soit la fille dans l’Ile ou un autre, ce sont des personnages tout de même très marginaux.

Si je les fais aussi extrêmes, c’est parce que se sont ces gens là chez qui l’ampleur de l’émotion est la plus grande. Dans la vie quand on n'a pas besoin de se faire du souci pour l’argent, le pouvoir ou le statut chaque jour, on a moins au quotidien. Les gens normaux ont moins d’événements dans la vie que ces gens extrêmes. L’ampleur de l’émotion est liée au cadre de vie. Ce type de personnage peut vivre une grande émotion, vivre dans "l’extrême de l’émotion". Ils sont toujours en état de se soucier de tout. Ces personnages sont pour moi les plus cinématographiques. Quand on voit un film, on veut entrer dans l’aventure, s’identifier au personnage et on ne veut pas devenir quelqu’un pour qui rien ne se passe. Je n’ai rien contre les personnages plus classiques, plus calme que certains réalisateurs utilisent pour faire passer un message ou autre, mais ce n’est pas le genre que je veux mettre en scène. Et je pense que c’est aux personnages extrêmes que le public veut s’identifier, il veut que quelque chose arrive. En fait, "s’identifier" n'est pas le bon mot en français, ce que je veux dire si je le traduis littéralement c’est "faire bouger de l’émotion chez le spectateur".

D’où vous est venu le dispositif que vous utilisez dans Bad Guy, cette situation de voir avec le personnage et l’utilisation du miroir ?

Le miroir-écran dans BadguyC’est un dispositif qui n’existe pas en Corée, il n’y a pas de lieu comme ça où on peut voir par une fenêtre comme ça. Il n’y a qu’un seul endroit où on peut trouver ça, c’est au commissariat de police quand on fait le face-à-face de suspects, l’agent de police peut regarder de l’extérieur. Le dispositif consiste en ceci, quand il y a la lumière, du côté de la lumière on ne voit pas l’extérieur mais du côté du sombre, on peut voir l’intérieur. Ce qui est intéressant, quand on voit par ce miroir, par cette fenêtre, c’est que celui qui regarde voit aussi son propre reflet de visage dans le visage de celui qu’il voit. C’est cette idée qui m’a fascinée et puis comme c’est un dispositif qui n’existe pas en Corée à part cette situation de police. Et puis en un sens, ça pourrait aussi être regardé comme ceci, la fenêtre comme ça, c’est quelque chose qui n’existe pas réellement parce que l’espace est continu et que le miroir sert à diviser. Si on casse la fenêtre, l’espace est toujours là et jamais divisé. Mais j’ai voulu faire sentir comment ces fenêtres qui divisent les individus sont à la fois faciles et difficiles à casser. Techniquement, ce n'est pas très difficile de casser une fenêtre, mais les gens sont habitués à vivre avec cette fenêtre au milieu. C’est ce genre de phénomène un peu complexe que je voulais exprimer par ce dispositif assez esthétique.

Tout à fait. Et de ce fait là quand on regarde le film, comme la caméra est toujours placée derrière celui qui regarde, il apparaît en amorce de l’image mais aussi dans le reflet sur la fenêtre et on voit avec lui, comme si on participait, comme si lui d’un seul coup était dans la salle de cinéma ou qu’on était tous dans cette petite pièce noire en train de regarder ce qui arrive à la fille. Il devenait spectateur et nous devenions comme lui. C’est un effet que j’ai beaucoup aimé, que j’ai trouvé très beau dans votre film.

Si on qualifie ce qu’on voit de crime, le spectateur n’arrive pas à quitter le lieu du crime, s’il reste voir le film il est criminel. Il y avait un peu cette idée là aussi, pendant la projection du film, si le spectateur ne quitte pas la salle, il devient criminel parce que ce qui arrive, arrive parce que le spectateur reste pour le voir.

Pour finir sur Bad Guy. Il y a une scène qui se passe sur la plage. Or, il s’agit exactement de la même plage que dans Birdcage Inn. C’est exactement le même lieu, dans les deux films une scène se passe exactement à cet endroit là. Je voulais savoir si c’était un hasard ou si c’était pour faire un lien, avec la fille qui disparaît dans l’eau après dans Bad Guy.

En un sens, Birdcage Inn est un film sur la prostitution. Et on peut dire que Bad Guy aussi. Je ne voulais pas faire un lien d’histoire, comme deux histoires qui se croisent. Mais je voulais quand même faire un petit lien. Comme c’est dans le même milieu, je suis passé par ce lieu qui n'a pas d’incidence entre les deux.

Qui est la fille qui disparaît dans l’eau dans Bad Guy ?

Il ne faut pas prendre ce personnage comme un personnage réel, c’est un personnage symbolique. Cette héroïne du film, après être devenue une prostituée, le public sait qu’elle est une prostituée, mais elle, elle refuse de l’admettre, elle se dit qu’elle est toujours une étudiante. Quand on voit cette fille qui disparaît dans la mer, ce qui est une sorte de rituel dans lequel elle laisse partir une part d’elle-même, la part d’elle-même qui était étudiante ou "convenable".

Il y a encore au moins une chose qui m’intrigue sur l’image. A la fin de L’ile, le dernier plan ressemble beaucoup à la peinture Ophélia peinte par un peintre anglais nommé John Millet. Je voulais savoir s’il s’agissait d’un hasard ou si c’était volontaire.

Je n’ai pas beaucoup de culture, qu’il s’agisse de peinture ou de littérature. On me pose souvent des questions comme celle là, mais je ne connais pas ce peintre. Il me semble que c’est de ma pensée qu’est né ce plan, malgré tout je crois que quel que soit le lieu ou l’époque, des gens peuvent penser de la même manière, avoir les mêmes idées… Ce genre de hasard ne m’étonne pas.

Dans vos films il y a deux corps qui sont toujours physiquement en souffrance, il s’agit des femmes et des animaux. Y a t-il une raison cinématographique à cela ?

Je n’étais pas conscient de faire cela, mais c'est vrai que ces corps se posent souvent comme victimes de souffrances physiques dans mes films. Même si c’est inconscient, je crois que cet élément est conditionné par la vie en Corée. Les femmes et les animaux sont les êtres qui ont le moins de résistance aux attaques. Et quand les gens expriment leur violence, c’est toujours sur des êtres plus faibles.

C’est comme si elle le ramenait dans son corps, pour retrouver le temps avant qu’il ne naisse. (Address Unknown)Dans Birdcage Inn, les poissons qui tombent au sol et commencent à s’asphyxier à l’ouverture du film quand la fille arrive dans la maison bleue pour y être prostitué. A chaque fois, en tant que spectateur, on ne peut s’empêcher de faire des liens. Ce qui fait que c’est difficile de croire que ce n'est pas volontaire. L’histoire qui se prépare va justement être très asphyxiante pour cette fille, comme les poissons sur le sol en train de mourir parce qu’ils n’ont plus d’eau. On pourrait aussi prendre l’exemple des poissons dans L’Ile qui sont lacérés avant d’être remis dans l’eau. Les violences sur les animaux interviennent toujours à des moments un peu clés.

La vie sans oxygène, les poissons qui n’ont plus d’eau, c’est un peu les personnages comme les prostitués qui n’ont plus ce respect qui est un peu l’oxygène de la vie, de la part des gens "normaux", les gens de morale… Et ces personnages, comme la prostituée, sont en dehors de cette morale. C’est ce manque de respect qui la fait souffrir. Les animaux servent d’image au sujet au fond.

Dans Address Unknown, après que le garçon métisse soit mort, la mère le ramène dans le bus. Avant de mettre le feu, on la voit mâcher. Je me suis toujours demandé si elle mangeait son fils.

Oui, c’est cela. Sans les histoires de sa mère, sans la naissance, il n’aurait pas connu ces douleurs. C’est comme si elle le ramenait dans son corps, pour retrouver le temps avant qu’il ne naisse.

J’aimerais avoir vos impressions à l’égard du cinéma coréen d’aujourd’hui.

Je pense que le cinéma coréen d’aujourd’hui est en péril, parce que si d’un côté le marché a considérablement grandi, le goût du public s’est quant à lui restreint. Si ce mouvement continue, il n’y aura bientôt plus de place pour les artistes et les indépendants. J’ai peur que ce qui n’est pas du cinéma commercial disparaisse.

Dans ce système, vous avez du mal à trouver des producteurs quand vous avez une nouvelle idée de film ?

Non, je n’ai pas ce problème. Déjà, il y a mon nom qui donne une assise au projet, et les gens savent que mes films ne coûtent pas très cher… Mes films ne rapportent pas beaucoup d’argent, mais ils sortent facilement dans les festivals étrangers, ils sont vendus à l’étranger… l’argent n’est pas perdu. Malheureusement, aujourd’hui, dans notre système capitaliste, les gens n’ont que faire de ne pas perdre d’argent, ils veulent en gagner, gagner dix fois ce qu’ils ont investi. C’est vrai que même-moi il m’arrive d’avoir du mal à réunir l’argent, mais les gens gardent une sorte de pitié pour le genre de films que je fais.

Ça doit être dur à vivre.

Pour moi ça va, j’ai déjà un nom, de l’expérience, je pense survivre. Je m’inquiète plus pour les jeunes générations qui font des études et qui risquent de ne pas avoir les moyens de réaliser leurs rêves. Cela dit, Moi je pourrais toujours faire des films je pense. Et ça peut même avoir un impact intéressant car quand il y a des difficultés, ça donne envie de se battre. S’il y a des choses intéressantes dans la vie, on les trouve plutôt dans les difficultés.

Mais restez-vous maître de vos projets dans la réalisation ?

Il est possible qu’à l’avenir je sois obligé de faire plus de compromis, pour répondre au marché. Ce qui m’inquiète c’est qu’avec des films plus tournés vers le grand public, il y aura moins de place pour des paroles sérieuses.

Pour finir, des films que vous avez réalisés, lequel préférez-vous ?

Pour moi, ils sont tous un peu pareil. Une fois un film fini, il devient provisoirement mon préféré, mais après ça change. Si je devais partir sur une île et ne sauver qu’un film, ce serait mon premier.

Avec tous nos remerciements à Jeon Hyong taek

date
  • juillet 2003
crédits
  • interviewer
  • MLF
  • questions
  • MLF
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