Japon: Une Histoire du Yakuza Eiga

Depuis les années 90, le perception critique du cinéma de genre japonais a radicalement changé et le yakuza eiga n'y a pas échappé. Auparavant, le cinéma japonais était le cinéma asiatique le mieux "connu" en France mais c'était presque exclusivement par des films labellisés "artistique" ou "auteur". C'est d'ailleurs par ce biais que KITANO a bénéficié en France d'une reconnaissance critique. Depuis, KATO Tai a connu les honneurs d'une rétrospective à la Cinémathèque tandis que des rétrospectives et des éditions DVD ont suscité un intérêt critique concernant un FUKASAKU et un SUZUKI Seijun élevés au rang d'auteurs. Mais en mettant de côté le contexte de production de leur oeuvre on oublie que KITANO est aussi un cinéaste ayant radicalement renouvelé la représentation des yakuzas à l'écran. Un FUKASAKU et SUZUKI oeuvraient quant eux à l'intérieur d'un système de studios tout en étant complètement à contre-courant de la production de leur époque. Et surtout ce système produisit en d'autres temps du yakuza eiga à la chaine comme Hollywood des westerns. D'où la nécessité de se pencher sur une histoire déjà bien fournie du genre et des films qui l'ont marquée. La liste (non exhaustive bien évidemment) des films et cinéastes notables de chaque période est faite sans jugement de valeur. En appendice, quelques cinéastes contemporains influencés par les maîtres du genre seront brièvement évoqués. Si l'on s'intérèsse au vocabulaire du genre ou aux ressources le concernant, on pourra également se reporter à l'article suivant.
Les origines des yakuzas et l'avant-sixties
Au début de l'ère Tokugawa (1600-1867), des samouraïs mis au chômage par les incessantes guerres de l'ère précédente nommés les hatamono-yakko se tournent vers le banditisme. Les gangsters d'aujourd'hui trouvent leur origine dans les bandes de jeunes citadins nommés machi-yakko s'étant organisés pour s'opposer à ces derniers. Les machi-yakko, figures de marginaux, devinrent des mythes urbains dont on racontait les exploits dans des chansons, romans et pièces de théâtre. Au milieu du 18ème siècle, leurs descendants spirituels font scission: d'un côté les bakuto (joueurs), de l'autre les tekiya (marchands ambulants). Ces deux groupes firent leur commerce sur l'autoroute Tokaido entre Edo et Kyoto. Les bakuto prirent le nom de yakuzas, soit "1,9,3", combinaison perdante dans les jeux de carte traditionnels. Puis le terme s'étendit aux tekiya et à d'autres groupes de hors la loi. Bakuto et tekiya étaient organisés en hiérarchies, l'oyabun (patron) administrant les kobun (subordonnés) en échange de leur fidélité inconditionnelle. Cette relation vue comme supérieure aux liens de sang pouvait se manifester jusque dans le sacrifice de sa propre vie. L'adhésion à un certain code (le jingi: chevalerie) les plaçait en marge de la société et leur donna un statut de rebelles amis des opprimés dans l'imaginaire populaire. Le jingi interdisait par exemple aux yakuzas de se quereller avec des non-yakuzas. Ils formaient de véritables corporations. Du coup, la société japonaise se mit à les tolérer et ils prirent très vite une place de choix dans celle-çi: pas de festival sans tekiya, par d'aires urbaines de jeux sans bakuto.

Les yakuza eigas d'avant-guerre étaient ainsi souvent inspirés par des figures de gangsters ayant acquis une dimension mythique via les traditions orales et écrites. CHUJI Kunisada (1810-1850) par exemple, figure comparable à un Robin des Bois. On le retrouve dans de nombreux films muets, notamment les Carnets de Voyage de Chuji d'ITO Daisuke, gros succès de l'année 1927. Les films de cette époque représentent les yakuzas comme des figures solitaires forcées à l'illégalité et cherchant en vain à retrouver le droit chemin. Ce type de personnages connut un passage à vide pour deux raisons: ne correspondant pas à l'esprit des films de propagande de la seconde guerre mondiale, il subirent aussi la façon dont les autorités d'occupation régentèrent le cinéma. En 1952, à la fin de l'occupation, les grands genres du cinéma japonais retrouvèrent vite leur place d'avant-guerre. Mais pas la figure du bakuto remplacée par des personnages plus en phase avec l'optimisme de l'époque. Jirocho Sangokushi par exemple, figure d'une série de films en 9 parties (1952-1954) souvent copiée et signée MAKINO Masahiro. Il s'agissait d'une figure à la fois gangstérienne mais ayant contribué à la modernisation de son Shimizu natal. Outre des films sur l'ère Tokugawa, la TOEI et d'autres studios produisirent des yakuza eigas contemporains influençés par Hollywood. Comme Flower, Storm and Gang (1961) d'ISHII Teruo, initiateur de la carrière de TAKAKURA Ken mais aussi du sous-genre jitsuroku (histoires vraies).
Quelques cinéastes notables de la période
Quelques films notables de la période
Les années 60 âge d'or du genre
Les sixties sont les années dorées du genre via le succès du ninkyo eiga (film de chevalerie). Soit des films situés dans la période de 70 ans comprise entre la fin de la féodalité et le début de la Seconde Guerre Mondiale. Malgré leur lien avec l'univers traditionnel des samouraïs, ils traitaient de thèmes contemporains comme l'influence de l'Occident. La formule? Un gangster partagé entre giri et ninjo (intérêt individuel/devoir). Il s'agit souvent d'un héros membre d'un gang cherchant à sauver la tradition face à des rivaux "pervertis" par l'individualisme, le matérialisme i.e. les valeurs occidentales. Le héros cherche d'abord une solution non-violente avant de régler les choses dans le sang. Le plus souvent dans ces finals climax qui firent la gloire du genre. Les raisons du succès? Une soif de violence du public non satisfaite par la télévision, l'identification du public avec les défenseurs de la tradition face à l'Occident, les citadins d'origine rurale laissés pour compte du développement économique recherchant de l'évasion. Et aussi des étudiants d'universités prestigieuses projetant dans ces films leur soif de rébellion contre la droite nipponne pro-US qui soutenait l'Amérique au Viet Nam et s'identifiaient à l'esprit de groupe, de lutte des yakuzas anti-establishment contre les bad guys membres de ce dernier.

abashiri bAu début des années 60, le public des drames en costumes, genre de prédilection de la TOEI, était en train de migrer vers la télévision. Mais en 1963 le succès de Jinsei Gekijo: Hishakaku avec TSURUTA Koji et TAKAKURA Ken sauva la compagnie du déclin tout en lançant la vague ninkyo sur laquelle la compagnie allait surfer avec succès. Le charisme des deux stars remit à la mode le sabre et le kimono pour un public qui désertait alors les salles. Et le vétéran de la TOEI MAKINO Masahiro sut par exemple passer avec succès du drame en costumes au ninkyo. Les grandes années du genre furent incarnées par les stars TAKAKURA et TSURUTA, par le président de la TOEI Okawa et surtout le producteur SHUNDO Koji. Ce dernier utilisa par exemple de vrais joueurs comme conseillers sur le film The Gambler (1964) et choisit l'ex-gangster ANDO Noboru comme premier rôle dans de nombreux films. Il avait aussi le flair pour tirer des séries de films à succès: Nihon Kyoakuden (1964-1971, 11 volets), Showa Zankyoden (1965-1972, 9 volets), Abashiri Prison (1965-1973, 18 volets), The Gambler (1967-1972, 10 volets) et Red Peony Gambler (1968-1972, 8 volets). Séries qui firent de la TOEI la reine du Box Office. Avec un sommet de production en 1967 avec 30 films, 14 avec TSURUTA, 6 avec TAKAKURA. Afin d'alimenter en permanence la "machine", SHUNDO sut constituer un noyau dur de stars, de cinéastes, de scénaristes. Il eut ainsi comme "protégés" outre les deux acteurs mentionnés WAKAYAMA Tomisaburo, TAMBA Tetsuro, Sonny CHIBA, ANDO Noboru, KITAJIMA Saburo, UMEMIYA Tatsuo, MACHIDA Kyosuke, IKEBE Ryo et YAMASHIRO Shingo. SHUNDO offrit des petits roles dans certains films à ses grandes stars tandis qu'il donnait parfois des premiers roles à des acteurs moins connus. Mais sa grande découverte fut sa fille FUJI Junko qui devint LA star féminine du yakuza eiga avec la série Red Peony Gambler. A cette armada de stars s'ajoutèrent un grand nombre de cinéastes de la compagnie: SAEKI Kiyoshi, YAMASHITA Kosaku, SUZUKI Norifumi, HARADA Takashi. Mais aussi les plus "originaux" ISHII Teruo qui prenait le contrepied du ninkyo et KATO Tai qui sublima le ninkyo.

Mais d'autres studios s'illustrèrent dans ces années-là. La Nikkatsu par exemple. A l'opposé des ninkyo, elle produisit des mukokuseki, films d'action plus influençés par Hollywood. Comme par exemple les Bird of Passage (1959-1962, 9 volets) avec KOBAYASHI Akira. AKAGI Kei'Ichiro fut lui la star d'une série de mukokuseki lancée avec Pistol Rap Sheet: Fast Draw Ryu (1960). La serié stoppa à sa mort dans un accident. Face au succès des ninkyo de la TOEI, la Nikkatsu produit son premier film du genre en 1963 avec Symbol of a man (10 volets, 1963-1966). Sauf que le cinéaste de la compagnie qui passa à la postérité fut SUZUKI Seijun qui fut éjecté de la Nikkatsu suite à la Marque du tueur. La DAIEI eut également ses séries. Celle des Tough Guy (1961-1974, 16 volets) avec KATSU Shintaro, celle des Young Boss (1965-1967, 8 volets) avec ICHIKAWA Raizo et celle des Woman Gambler (1966-1971, 17 volets) avec ENAMI Kyoko. Cette dernière série tentait d'offrir une réponse à FUJI Junko et à la série des Red Peony Gambler mais eut bien moins du succès au Box Office. Et la TOEI demeura leader du yakuza eiga. Signalons enfin deux célèbres représentants du sous-genre matabi no mono: la série Zatoichi avec KATSU Shintaro et la série Yojimbo.
Les grandes stars de la période
Les "seconds couteaux"
Quelques cinéastes notables de la période
Quelques films et séries notables de la période
 
 
Les années 70: déclin du ninkyo eiga de bref règne du jitsuroku
okitaLa TOEI, qui avait eu une longueur d'avance sur ses rivaux concernant la production de films de gangsters, fut aussi la première à changer de stratégie lorsqu'elle sentit le creux de la "vague" pointer le bout de son nez. En 1967, le chef de production de la TOEI OKADA Shigeru commença à remplaçer les ninkyo par des koshoku rosen (pinky violence). Soit des films avec des gangsters de sexe féminin, de l'érotisme, du viol et du SM. Un exemple du genre est ainsi la série des Girl Boss Blues (1971-1977). Mais la popularité de ces films-là n'égala jamais celle des ninkyo. Le coup de grâce vint en 1972 avec le retrait du cinéma de FUJI Junko qui sonna la mort définitive du ninkyo. Ironiquement, c'est un cinéaste dont Shundo détestait le travail, FUKASAKU Kinji qui revitalisa le yakuza eiga. Mais au visionnage d'Okita le Pourfendeur (1972) il sent un potentiel de renouvellement des formules essoufflées du genre et fait venir FUKASAKU dans les studios de la TOEI à Kyoto pour tourner Combat sans Code d'honneur (1973). Succès immédiat, performance de SUGAWARA Bunta faisant date et le propulsant au rang de star. Le public lassé des ninkyo et friand du réalisme du cinéma américain des années 70 applaudit le réalisme sec du premier volet. La TOEI produisit 5 volets de la série basés sur le roman original jusqu'en 1974. Le studio persuada FUKASAKU de tourner une nouvelle série basée sur les persoinnages de la précédente, cette fois purement fictive. Il réalisa 3 films avant de quitter pour de bon le navire. Le président OKADA de la TOEI proposa à cette époque à TAKAKURA et TSURUTA de se retirer. SHUNDO protesta alors puis se retira de la compagnie. TAKAKURA, TSURUTA et SHUNDO continuèrent à faire des films sans retrouver leur succès passé. Le règne du jitsuroku fut très bref pour deux raisons: déclin constant des parts du cinéma japonais au Box Office au profit d'Hollywood, usure rapide de la formule.
Les grandes stars de la période
Quelques cinéastes notables de la période
Quelques films et séries notables de la période
Crise des années 80 et renouveau des années 90
gwDurant les années 80, le marché vidéo détourna le public masculin du genre, ces derniers préférant voir des films à un prix plus abordable que dans des salles de la TOEI de qualité moyenne. Seule exception: le succès en salles de la série des Gang Wives, série en 10 épisodes dont le premier volet fut réalisé en 1986 par GOSHA Hideo. Basée sur un livre d'interviews de femmes de gangsters, la série imposa IWASHITA Shima, incarnant un alliage d'érotisme distant et de main de fer, comme une star du genre. Après son départ de la série, la TOEI tenta d'intier une nouvelle série Gang wives avec TAKASHIMA Reiko dont le premier volet fut un bide. Mais la série des Gang Wives fut le seul succès de TOEI dans le genre en salles pendant les années 80-90. En 1994, le studio annonça qu'il tournait son dernier yakuza eiga The Man who shot the Don. D'un autre côté, les executives étaient prêts à continuer à produire des yakuza eigas en cas de gros succès public. Succès qui n'arriva pas. Mais la TOEI produisit ensuite que quelques films nommés "néo-ninkyos" ("new" ninkyos): A Story of Modern Chivalry (1997), Remnants of Chivalry (1999) qui furent encore des échecs publics.

hbMais depuis le milieu des années 80 la TOEI avait trouvé de nouveaux débouchés pour le genre dans la production de straight to video. Neo Punk: Bang Goes to the Bullet (1990) avec AIKAWA Sho devient ainsi culte pour le public du straight to video grâce à sa vision décalée du genre. D'autres compagnies tentèrent leur chance sur le marché mais la TOEI demeura leader. Un peu comme à l'époque des grandes heures du ninkyo, beaucoup de ces films reproduisaient une formule mais ce fut aussi une opportunité pour de jeunes cinéastes prometteurs de se faire la main. MOCHIZUKI Rokuro, MIIKE Takashi, AOYAMA Shinji, KUROSAWA Kiyoshi, ISHII Takashi ont ainsi tous des yakuza eigas straight to video à leur actif. Les 4 premiers ont depuis connu des sélections dans des festivals prestigieux. Mais le rénovateur du genre qui connut le plus de gloire hors du Japon fut KITANO Takeshi qui passa derrière la caméra avec Violent Cop (1989) suite à la défection de FUKASAKU Kinji. Il développa un style unique rejetant aussi bien le romantisme des ninkyos que le réalisme sec, semi-documentaire des jitsuroku. En 1997, il obtint le Lion d'Or avec Hana Bi.

Les années 90 furent aussi la période de réévaluation en Occident de certains cinéastes ignorés voire peu distribués en leur temps. FUKASAKU, SUZUKI, ISHII Teruo et KATO Tai bénéficièrent de rétrospectives en Occident. Pour les deux premiers, ce fut même d'un véritable intérêt critique. En 2001, SUZUKI Seijun a obtenu au Festival de Venise un Lion d'Or honorifique. Il est désormais également plus facile pour le cinéma de genre japonais de bénéficier (cf KITANO, MIIKE...) d'un intérêt critique à l'étranger même si cela concerne très souvent des figures en marge du mainstream nippon. Le phénomène de redécouverte ne concerne pas que l'Occident, comme le montre la ressortie de Ryuji (1983) au Japon à la fin des années 90. Scénariste du film, interprète du rôle-titre, KANEKO Shoji décéda peu de temps après la sortie du film. Refusant les conventions du ninkyo et celles du jitsuroku, centré sur la lassitude de son héros plutôt que sur le rapport au code d'honneur, ce yakuza eiga  se construisit une réputation culte grâce à la critique nipponne et à quelques célèbres admirateurs (AOYAMA, FUKASAKU). Sa sortie en vidéo fut un grand succès, suivie d'une reprise en salles. Ces dernières années, les yakuzas ont figuré dans des films japonais non directement liés au genre (Kamikaze Taxi (1995), l'Anguille (1997) avec le caméo d'AIKAWA Sho en gangster, certains films de Sabu) voire dans des relectures cool/parodiques du genre (Shark Skin Man and Peach Hip Girl (1999) d'ISHII Katsuhito, The Most Terrible time in my life (1993) d'HAYASHI Kaizo). Sans compter un Aniki mon frère (1999) où KITANO tenta de fusionner archétypes du genre, KITANO's touch et efficacité hollywoodienne. Ou un Pistol Opera (2001) où SUZUKI Seijun revisite son classique la Marque du tueur. Et en 2003, 14 ans après le Zatoichi 26 (1989), KITANO a offert son Zatoichi.
Les grandes stars de la période
Quelques cinéastes notables de la période
Quelques films et séries notables de la période
Sous influence

yakuzaLes allers/retours d'influence entre le Japon, Hong Kong et les Etats-Unis font partie intégrante de l'histoire du cinéma de genre et le yakuza eiga n'y échappe pas. Nous nous limiterons à citer quelques cinéastes contemporains "influencés" par le genre. L'influence des maîtres du genre sur Quentin TARANTINO (très tôt dans sa filmographie: le final de Reservoir Dogs et son allusion au jingi) et Jim JARMUSCH (Ghost Dog cite La Marque du Tueur) a souvent été très commentée. Mais un des pionniers de la découverte du genre en Occident fut le scénariste de Taxi Driver Paul SCHRADER. En 1974, il écrivit un essai sur le genre et son histoire. Ce défenseur acharné de KATO Tai scénarisa également Yakuza de Sidney POLLACK. Son frère Leonard réside d'ailleurs au Japon et scénarisa le très culte The Man who stole the sun. Un projet de yakuza eiga tourné au Japon fut un temps attribué à Martin Scorsese. William FRIEDKIN a quant à lui cité le travail de Fukasaku comme une inspiration formelle de French Connection. Du côté de Hong Kong, John WOO a lui souvent cité le travail d'ISHII Teruo et de FUKASAKU Kinji comme des sources d'inspiration de son cinéma. On pourrait également voir dans les combats saignants à un contre plusieurs de CHANG Cheh une descendance des climax de fin de ninkyo eigas où un yakuza vient à bout d'un gang à lui seul. Les exemples d'influence de KITANO sur la production asiatique récente japonaise comme non japonaise sont trop nombreux pour être cités ici.

Sources article: The Yakuza Movie Book by Mark Schilling, "Ryuji" (Donald Ritchie, New York Times, 29/1/1999)

 
date
  • August 2005
credits
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