Bilan HK 2003 par Alain

2002 était marqué sous le signe de la sinistrose ambiante jusqu’à ce qu’Andrew Lau joue la carte du « tout ou rien » avec Infernal Affairs. Le temps poursuivant son cours, il faudra se faire à l’évidence que ce projet de polar blockbusterisé a été un vrai coup de poker comme il en existe qu’une fois par décennie, il serait d’ailleurs bien tentant de faire une analogie avec A Better Tomorrow en 1986 qui fît entrer le cinéma HK dans son ère la plus prospère. Personne ne saura jamais ce qu’il serait devenu du cinéma de l’ex-colonie sans ce coup de boost, l’hypothèse la plus probable aurait été que les budgets et le nombre de productions se soient vues de plus en plus rabaissées jusqu’à à une vraie mort de ce cinéma du fait de non-rentabilité. Mais ce scénario-catastrophe n’a heureusement pas eu lieu et après des années de doutes, l’industrie cinématographique a retrouvé un second souffle et un nouveau but grâce à l’ouverture de la Chine par rapport aux films HK.

Sans la Chine, HK serait réduit à ne produire que deux ou trois grosses productions par année ce qui est évidemment insuffisant pour assurer la pérennité de ce cinéma à long terme. Du fait de la levée des quotas chinois sur les films HK, le nombre de co-productions entre l’ex-colonie et le continent a considérablement augmenter jusqu’à devenir la norme (à noter que Manfred Wong fût un pionnier en la matière, ayant déjà compris l’importance du marché chinois en faisant co-produire Roots And Branches et A Man Called Hero par la Chine auparavant). L’avantage pour l’industrie est double : d’un côté la co-production amène une somme non-négligeable de capitaux mais surtout, cela donne la possibilité aux films d’obtenir des diffusions à grande échelle en Chine via un nombre considérables de cinéma comparable aux USA ce qui a pour effet dans certains cas de rentabiliser des films qui ont fait un flop à HK (Heroic Duo ou récemment Silverhawk). Au-delà de l’argent, cela offre la possibilité d’une nouvelle voie artistique car dès lors, HK n’est plus obligé de faire du pied au marché occidental mais peut viser directement les chinois qui sont plus proches de leur culture. Le désavantage est évidemment le passage par le bureau de censure chinois qui à première vue ferait penser qu’HK devrait dorénavant livrer des œuvres répondant aux critères du parti mais ce n’est guère le cas car la production HK n’a jamais vraiment été subversive idéologiquement (à part les Young&Dangerous et cie) du fait que ce cinéma est déjà très consensuel et commercial à la base et dans le pire des cas, la version HK d’un film reste celle d’origine, la version coupée par la censure étant réservée à la Chine, on pourra encore profiter pendant longtemps de la vision d’origine des producteurs/réalisateurs.

Deux façons différentes d'intégrer la Chine

Même si ce pont cinématographique entre HK et la Chine n’en est qu’à ses balbutiements, on peut déjà en voir les effets directs via des portions de films (voire des films entiers) tournées sur le continent, offrant des décors quasi inédits et inhabituels alors qu’on a été habitués pendant longtemps à la grisaille du béton hongkongais, les possibilités esthétiques sevoient décuplées. Evidemment, en terme de production, il est plus facile pour un film HK de percer si il comporte des acteurs locaux et c’est ainsi qu’on se retrouve avec un système équivalent aux quotas de noirs dans les films US. L’apparition d’acteurs chinois dans les films dévoile quand même un grand problème artistique et technique. Artistique car l’art dramatique en Chine est bien plus institutionnalisé qu’à HK via notamment des écoles dédiées alors que l’ex-colonie mise tout sur le travail de terrain et possède aussi un jeu beaucoup plus outrancier que le côté introverti des continentaux ce qui fait contraste à l'écran. Aussi, le problème technique majeur est la barrière linguistique qui oblige à faire des choix : le plus mauvais choix est de doubler les acteurs « étrangers » à la version vue comme dans My Dream Girl (Vicky Zhao est doublée dans la version cantonaise tandis que c’est Ekin Cheng qui est doublé dans la version mandarine) ce qui crée un énorme frustration vu que le doublage est rarement réussi. La deuxième solution est meilleure même si elle rend peu compte de la réalité vu que chacun parle dans sa langue d’origine ce qui donne évidemment des dialogues quelque peu absurdes qui rappellent les désastreux mélanges d’anglais et de cantonais dans certains anciens films HK mais bon, on est encore loin du bilinguisme parfait et cette solution est la plus préférable pour les cinéphiles vu qu’on peut apprécier l’entièreté du casting en version originale.

Pour en revenir aux films en eux-mêmes, 2003 marque une étape transitoire dans le cinéma HK avec une production tâtonnante, se cherchant avec plus ou moins de réussite. Les effets de la crise ont eu raison de la quantité de films avec moins d’un cinquantaine de métrages de série A produites cette année mais cela est aussi dû en partie à la crise du SARS et à la remise en question des producteurs qui dorénavant accorde bien plus de soins à la production-value de leurs films et ça, c’est déjà un bon point pour le nouvel essor d’HK par rapport à la prospérité aux fin 80’s/début 90’s où tout et n’importe quoi était financé sans qu’ils soit accordé grande importance quant aux qualités de production. Ceci dit, le public hongkongais reste encore très conservateur dans ses goûts et l’ensemble de la production de cette année est très formatée et commercial, l’art et la différence n’ayant jamais été leur préoccupation. On peut prendre pour exemple Floating Landscape et Lost In Time qui raconte tous les deux la même chose mais réalisé de façon différente : à ce petit jeu-là, c’est évidemment celui qui joue la carte du plus standardisé qui décroche la timbale au box-office. De même pour Naked Ambition et Good Times Bed Times (tous deux de Chang Hing-Kar) où la crudité du premier va bien au-delà de ce que le public veut voir (cette limite de « l’incorrect » que le deuxième ne franchit jamais). Ceci dit, le cinéma mainstream est encore capable d’innovations comme en atteste Twins Effect et sa pop-culture portée en étendard et Running On Karma au propos philosophique et anti-spectaculaire. Mais bon, les studios n’ont que faire de ces palabres vu que la plupart des productions mainstream se sont bien portées au box-office cette année, la barre des 10 millions $HK ayant été régulièrement atteinte

Un sujet, deux visions du cinéma

Au niveau des valeurs montantes et descendantes, cette année a été très variée. Le gagnant numéro un est le studio Chinastar qui de un a réussi un beau coup en achetant la Milkyway de Johnnie To, de deux possède une écurie de comédiens très appréciés par le public (Cecilia Cheung, Louis Koo, Lau Ching-Wan, etc…) et de trois, possède des capitaux suffisant que pour créer de bonnes productions. Le seul studio a pouvoir leur tenir tête est Media Asia qui s’est juste contenté de produire Cat And Mouse, Infernal Affairs 2 et 3 mais qui compte bien gagner sa place de leader en 2004 via un line-up prometteur. Les autres studios sont loin derrière en termes de réussite : Universe essaye de maintenir une bonne production mais hélas, le succès est très aléatoire lorsque les Twins ne sont pas là. Les jeunes boîtes comme Filmko et Jin Chuan n’attirent pas le public tandis qu’EMG et Mei Ah restent dans une production aléatoire, faisant des films quant ils ont amassés suffisament de fonds financiers. Pour les réalisateurs, Joe Ma l’emporte haut la main en réalisant trois gros succès d’affilée tout en réussissant à apporter plus de personnalité dans ses productions et c'est sans compter les "jeunes" Aubrey Lam, Carol Lai, Julian Lee, Barbara Wong et Edmond Pang qui apportent chacun leur pierre à l'édifice d'un cinéma HK résolument moderne et progressiste. Miriam Yeung est en passe de battre Sammi Cheng pour le titre de reine du box-office tandis que Cecilia Cheung a fini sa traversée du désert en retrouvant des rôles à la mesure de son talent. Du côté des acteurs par contre, c’est toujours aussi stagnant mais le retour de Nicholas Tse sur les écrans en 2004 pourrait changer la donne…

Top Personnel
A mentionner aussi
-Floating Landscape
-Running On Karma
-Hidden Track
-Night Corridor
-Diva Ah Hey
-Miss Du Shi Niang
-Colour Of Truth
-Infernal Affairs 2
-Why Me Sweetie
-Twins Effect
-Men Suddenly In Black
-Truth Or Dare
-PTU
date
  • mars 2004
crédits
Actualité