Interview Hwang Sok-Yong

Introduction


Ayant assisté lundi 2 avril à l'avant-première du Vieux Jardin, de Im Sang-Soo, j'ai eu l'occasion de rencontrer Hwang Sok-Yong, l'auteur du roman original, qui venait voir le film pour la première fois. Ce fut l'occasion de programmer une interview que nous avons fait deux jours plus tard dans une bar près de la maison de Radio France. Hwang Sok-Yong nous parle de son oeuvre sur laquelle s'est basé Im Sang-Soo, puis nous livre son avis sur le film. Enfin, il nous parle de ses prochains projets, et de ses oeuvres qui sont ou seront adaptées sur grand écran.


Interview


Bonjour Monsieur Hwang, dans cette interview, nous parlerons de votre oeuvre Le Vieux Jardin, ainsi que de l'adaptation cinématographique de Im Sang-Soo.

Vous avez publié le Vieux Jardin en 1998. Comment avez-vous eu l'idée d'écrire cette fresque ?


C'est surtout du au fait qu'on allait passer au 21eme siècle. C'est au cours de ce changement de siècle que la Corée a commencé à se faire connaitre de plus en plus dans le monde.

Pourquoi avez-vous pris comme sujet les militants du début des années 80 ?


Le 20ème siècle a été le témoin d'événements très marquants : la chute du mur de Berlin, la Guerre de Corée,... et c'est justement pour accompagner ces changements, ces luttes pour la démocratie que m'est venue l'idée de faire un récit sur les militants.

Quand on lit votre biographie, on a l'impression de retrouver certains de ces éléments dans les personnages du roman. Vouliez-vous montrer vos expériences au travers de vos personnages ?


Ce n'était pas seulement de mon expérience, mais également celle de mon entourage, de mes proches. Le background du livre est une synthèse de mes expériences et celles de mes proches. Je souhaiterais ajouter que l'ambiance des années 80 en Corée montrée dans le roman ressemble beaucoup au années 60 en Europe. C'est dans cette période que beaucoup de changements se sont effectués, et surtout des changements politiques. Justement, le titre "Le Vieux Jardin" fait référence à cette utopie de perfection politique recherchée par tous ces mouvements de société.

Pour ajouter un peu plus au niveau du récit, ça parle également des disparités, des paradoxes temporels ; c'est-à-dire qu'il y a passé, présent et avenir, mais si on regarde bien dans le récit, c'est un couple qui, finalement, était plutôt ambigüe, qui ne s'est pas rendu compte que c'était de l'amour. C'est une fois qu'ils se sont séparés qu'il y a eu toute cette mélancolie liée au souvenir de cet amour, puisque c'est vraiment après leur séparation qu'ils se sont rendu compte des forts sentiments qui les liaient, l'un à l'autre.

J'ai pu lire que Le Vieux Jardin faisait parti d'une trilogie du 20ème siècle. Pouvez nous en dire plus sur cette trilogie ?


Cette trilogie s'inscrit dans le thème de la globalité, l'accent est surtout mis sur le coté dramatique des changements politiques, et aussi les regrets et la souffrance qui ont suivis, avec par exemple la chute du bloc soviétique (comme la chute du mur de Berlin). C'est surtout dans ce contexte là que le Vieux Jardin trouve sa place cette fameuse trilogie.

Dans le roman, on parle aussi des événements qui sont intervenus en Europe et un peu partout dans le monde, mais le problème, c'est que si on compare avec le film, celui-ci ne reprend que certaines parties du livre, et évidemment, résumer un film dans un seul long-métrage, ce n'est pas facile. Donc bien entendu, tous les aspects du livre n'apparaissent pas dans le film.

A propos du film justement, lundi (2 avril) vous avez pu assister pour la première fois à l'adaptation de votre oeuvre par Im Sang-Soo, lors de l'avant première. Quels sentiments aviez-vous avant de voir le film (confiance, anxiété), et comment l'avez-vous trouvé finalement ?


Comme beaucoup d'écrivains qui ont vu leur oeuvre portée au grand écran, beaucoup d'élément manquant, il est difficile d'être satisfait. Mais comme je connaissais bien Im Sang-Soo, et que j'avais déjà lu l'ébauche du scénario avant, je n'ai pas vu le film dans un état d'attente et d'appréhension. Je savais déjà à quoi m'attendre.

A quel moment avez-vous appris que Im Sang-Soo allait adapter votre roman ? Comment avez-vous pris la nouvelle ?


A vrai dire, comme je recevais de l'argent du producteur, je n'ai pas eu de sentiment particulier et j'ai juste pris l'argent (rire).

Dans l'interview que nous a accordé Im Sang-Soo, il nous a dit qu'il n'aimait pas le personnage de Young-Tae dans le roman, et que donc il avait décidé de le remplacer par Young-Jak, un personnage de son précédent film, Une Femme Coréenne. Qu'avez-vous pensé de ce changement ?


En réalité, lorsque j'ai vu le film, je me suis souvenu que la particularité des films de Im Sang-Soo est qu'ils montraient une vision pessimiste et cynique des changements de la société. On le voit dans Une Femme Coréenne, et je me demandais s'il n'avait pas trop tiré son récit dans un coté plus sombre, plus négatif.

Même si elle est en proie à des changements dramatiques, la société coréenne n'a pas fini son évolution. Il reste toujours un long chemin à parcourir, et justement, le personnage de Young-Tae, dans le roman, finit par aller en Corée du Nord. Avec le fait qu'il n'abandonne pas espoir, il y a toujours une ouverture possible vers un meilleur avenir et malheureusement, ce coté là ne se retrouve plus vraiment dans le film. Le film a été très acclamé par la critique en Corée, et le livre également a eu beaucoup de succès, s'étant vendu à 500 000 exemplaires. Après ça, peut-être que les gens se rendront compte de l'écart entre le livre et le film.

Par rapport à Im Sang-Soo, outre le pessimisme, que pensez-vous de son cinéma ?


En fait, mon traducteur m'a confié : "est-ce qu'on a pas confié le sujet au mauvais réalisateur ? Il a une vision tellement négative, tellement pessimiste". Mais ses films jette des ponts vers des questions d'avenir et de société ; comment la société va évoluer, quelle direction va-t-elle prendre.

Ce n'est pas la première fois qu'une de vos oeuvres est adaptée au cinéma. La première était en 1975 avec la Route de Sampo, de Lee Man-Hee, et même un drama en 2004 sur Jang Kil-San. Que pouvez-vous nous dire sur ces adaptations ?


Dans les années 70, il y a eu tellement de censure que mes oeuvres se sont vues dénaturées, modifiées de manière excessive, ce qui fait qu'au final, le résultat n'avait rien à voir avec l'oeuvre de départ.

Actuellement, il y a 2 autres de mes romans qui sont en cours d'adaptation. Tout d'abord, Simcheong, parlant d'une femme qui voyage en chine au 19ème siècle. C'est une production sino-coréenne. Il y a aussi L'Ombre des Armes, sur la guerre du Vietnam, qui va être réalisé par un metteur en scène chinois d'une trentaine d'années. C'est un jeune réalisateur.

C'est un roman de 1000 pages, quand même.


(rire) Comme c'est une histoire qui parle de guérilla urbaine, se passant dans un marché, je me demande ce que va donner le film, mais je pense que ce sera très différent de ce que j'aurais raconté, même si, comme il y a moins de censure de nos jours, il y a moins de barrages sur l'interprétation au cinéma.

Oui mais c'est un film chinois. Et la censure en Chine est encore forte.


Le réalisateur est métissé sino-coréen. Il a étudié hors de Chine. Il est allé en Australie, à Taiwan. Il est à l'aise avec le chinois, le coréen, l'anglais, donc c'est un réalisateur plutôt international. Le tournage se fait en Corée, donc on risque moins de se heurter à la censure chinoise. Mais comme c'est un jeune réalisateur, je me pose des questions sur ce que le film va donner.

Qui est ce réalisateur ? A quel stade en est la production ?


En coréen, c'est Pil Gam-Seok, si on lit les caractère chinois, mais je ne connais pas la prononciation en chinois. Comme il a été récompensé dans pas mal de festivals de court-métrages, il a été choisi par le producteur, Sidus.

Le scénario est terminé. Le tournage débutera aux alentours de novembre, jusqu'en février/mars. On ne le fait pas maintenant pour éviter la mousson, qui gênerait fortement le tournage. Après, ils iront tourner en thaïlande. Pour le moment, ils voient avec le gouvernement vietnamien, parce que le film fera apparaitre beaucoup de militaire, et que le sujet est très sensible.

De retour sur votre oeuvre : êtes-vous sur un nouveau roman, et existe-t-il des romans plus récents que le vieux jardin qui n'ont pas encore été traduits ?


J'ai un roman en cours d'écriture. Il parle de l'univers du shamanisme, et il devrait être achevé d'ici cet été. Il va ensuite être traduit en anglais et en français.

J'ai également un roman qui n'est pas encore traduit en France, Shimcheong, la réadaptation d'un conte populaire coréen du 19/20ème siècle. Il est en cours de traduction et va sortir en France, aux Etats-Unis et au Japon l'année prochaine. Ca parle des femmes de réconfort durant l'occupation japonaise.

Im sang-Soo a dit qu'il allait s'installer en France pour réaliser un film en France et en français. Vous qui habitez depuis longtemps ici, vous n'avez pas eu l'intention de faire un roman sur Paris ?


Pour le moment, je m'occupe de la mandchourie, et plus récemment, de Londres. Pour l'instant je n'ai pas de projet pour faire un roman ayant pour base la France, mais peut-être qu'un jour, j'en ferai un plutôt sur un petit village hors de Paris.

En outre il y a un auteur français, Jean-Marie Le Clézio, qui va aller en Corée pendant un an pour préparer un roman sur les traditions populaires dans une ambiance complètement coréenne.


Conclusion


Sur cette ouverture, Hwang Sok-Yong nous laisse pour retourner à l'écriture de son roman, sans oublier de dédicacer généreusement les deux romans que je lui ai apporté.
date
  • avril 2007
crédits
  • interviewer
  • Elise
  • traduction
  • Do In-Ho
Interviews