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Serbis

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les avis de Cinemasie

4 critiques: 3.31/5

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7 critiques: 3.36/5



Ghost Dog 4 Sous ses aspects repoussants, un conte moral universel
Elise 4
Xavier Chanoine 3.25 Jeux de famille
Ordell Robbie 2 De bonnes choses mais trop de tics formels et une narration supradécousue.
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Sous ses aspects repoussants, un conte moral universel

"Une histoire réelle de ce temps de progrès et d'une civilisation si délicieuse, si divine, que, quand on s'avise de l'écrire, il semble toujours que ce soit le Diable qui l'ait dictée..."
Jules Barbey d'Aurevilly - 1874

Assurément un conte moral sans concessions, ancré dans la réalité, cinglant comme il faut, d'une complexité impressionnante sous un masque formel d'apparence simple - et pas évident que tout le monde l'ait saisi à sa juste valeur.

Au commencement était le crime ; ce crime originel est symbolisé par l'adultère du mari de la vieille tenancière du cinéma porno. Dans ce pays très catholique, tromper son conjoint et, surtout, entretenir clandestinement une seconde famille, est puni de 2 ans de prison avec divorce à la clef. Officiellement, du moins. Car le prix du péché a singulièrement chuté devant les tribunaux, avec les années : le mari est acquitté.

Pire, il est soutenu par les propres enfants de la propriétaire du cinéma. Peu leur importe la vérité, la morale, la justice. Ces derniers ne voient que l'argent, l'argent de l'héritage, qui risquerait de leur filer entre les doigts si leur père était condamné à reconnaître ses enfants illégitimes.

L'état de corruption, de pourriture au sein de cette famille semble bien avancé. Dans un environnement crasseux où règne la prostitution, la décadence, le délabrement, la fille, âgée d'une cinquantaine d'années, est surprise par son mari en train de faire des yeux doux à un jeune homme, les 2 petits-fils se battent pour un simple T-shirt, avant que l'on découvre que le premier a mis enceinte une pauvre fille sans aucun sens des responsabilités, tandis que l'autre profite des gâteries bucales d'un trans pendant son boulot. Une mère épleurée vient réclamer à l'accueil son fils de 16 ans qui se vend, quand dans le même temps la jeune soeur s'entraîne à dire des "je t'aime" à poil devant une glace brisée (mais que sait-elle de l'Amour, cette pauvre chose ?), et le plus jeune des enfants, 7 ans à peine, récite ses tables de multiplication en faisant du tricycle au milieu des putes, et se rince l'oeil des corps nus qui s'étreignent sans passion.

Le cinéma est au bord de la faillite, à l'image de cette famille, au bord de l'implosion. Pauvreté morale et pécuniaire se rejoignent. Or la richesse est fille de la vertu.

La bribe de thème de Taxi Driver que l'on capte vers la fin du film n'est sans doute pas innocente ; elle suggère peut-être qu'un grand ménage s'impose...

21 février 2010
par Ghost Dog




Jeux de famille

Bande annonce

Par ses débordements intempestifs et son absence d’émotions face au quotidien craspeque d’une famille propriétaire d’un cinéma porno, Serbis pourrait être injustement qualifié de film fonctionnant par les haut-le-cœur qu’il provoque. Ce serait le réduire au produit scandaleux qui secoua Cannes, pas encore habitué à cette explosion d’énergie qu’est en partie le cinéma de Brillante Mendoza, brûlant –la pellicule- tout sur son passage pour finir sur un « ce n’est pas ma faute » envoyé à la gueule du spectateur, effaré par le spectacle proposé. Un spectacle qui derrière ses allures de fiction, cache une identité, une spontanéité démente qui fait toute la différence entre le cinéma « nature » de Brillante Mendoza et celui du premier venu visant à filmer son pays, sa ville. Devenu du jour au lendemain un client des festivals, il pourrait être en quelque sorte le pendant philippin des cinéastes chinois de la sixième génération qui décrochent leurs billets pour les festivals en évoquant leur pays avec un sens du réalisme évident, l’apport de la fiction servant après comme prétexte. Mais ce qu’un Wang Chao ou un Lou Ye n’ont pas, par exemple, c’est cette faculté à retranscrire à l’écran le bouleversement, le choc du quoditien. Ou d’une manière lorgnant bien plus du côté de la fiction. Mendoza pose sa caméra dans les rues de Manille et l’on pense immédiatement à la bombe à retardement.

Serbis fait partie de l’œuvre électrique du cinéaste, celle dont on se remet durement, plus intéressante ici que les drames shanghaïens ou pékinois de maintenant qui peinent à se renouveler sur la durée. Ou qui ne surprennent pas/plus en dépit de leurs qualités. La censure n’est également pas la même, il aurait été par exemple impensable de laisser ces plans de fellation non simulée tels quels, ou de dérouler la quasi-totalité de l’action dans un cinéma –le Family- qui programme des films cochons tout en autorisant la prostitution dans les salles, parfois fréquentées au hasard, sans savoir ce qui s'y passe réellement, par le plus petit de la famille. Brillante Mendoza dresse le portrait des gérants, des employés et des clients, donc de la famille, avec les qualités qu’on lui connait. C'est-à-dire ce grossissement au microscope x1000 d’une particule toute bête qu’on nomme « être humain », dévoilant des traits dépassant la barrière de la fiction, au risque d'y trouver un certain ennui par moment. La couleur peut certes rebuter, on trempe les pieds dans la pisse -ou le sperme- sans rechigner parce que la machine doit tourner et accueillir encore et toujours les clients, en majorité gays. Et comme dans toute bonne société, on grandit, on s’aime, on se tape sur la gueule, on découvre. On morfle aussi, mais on n’oublie pas de vivre. Serbis c’est un épisode d’une vie, à l’ampleur quasi délirante au vu de son caractère bien trempé, bruyant et craspeque. Dieu merci, Brillante Mendoza n’a pas eu l’idée de filmer les couloirs vides d’un palace 4 étoiles.



10 février 2010
par Xavier Chanoine


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