Japon: Les années 80

Nouveau contexte, nouveaux cinéastes

Les années 80 sont celles du pinacle économique du Japon devenu le pays le plus nanti du monde y compris aux yeux de ses habitants. Des loisirs coûteux sont plus accessibles (voyages, golf...) et le gens vont moins au cinéma. Qui plus est, la compétition scolaire rude d'études supérieures désormais généralisées, la préparation des enfants par les parents à cette dernière font qu'adultes et adolescents ont peu de temps à consacrer au cinéma. Qui plus est, le désir de rébellion de la jeunesse face aux études s'expriment au travers de groupes de rock plus en phase avec les jeunes que les cinéastes. En tant que média pour la jeunesse, il subit la concurrence de la BD. On va moins souvent en salles dans les années 80 et le développement de la VHS fait qu'on regarde plus le cinéma chez soi. Depuis les années 70, le système traditionnel où les anciens assistants deviennent cinéastes est moins respecté et des profils de plus en plus variés passent derrière la caméra. C'est la cas d'ICHIKAWA Jun, réalisateur de films publicitaires se faisant connaître par des portraits d'adolescentes fragiles rencontrant le succès tels que Busu (1987) ou Kitchen (1989). D'autres exemples de cette tendance sont le passage derrière la caméra de lillustrateur et essayiste WADA Makoto, du critique OSABE Hideo, de l'acteur MIKUNI Rentaro et enfin du comique star KITANO Takeshi

Le développement à partir des années 70 d'un cinéma étudiant avec ses concours permet à des profils atypiques de se faire remarquer. C'est le cas d'ISHII Sogo avec un Crazy Thunder Road (1980) tourné en 16mm et diffusé en 35mm par la TOEI. Ou de cinéastes tels que NAGASAKI Shunichi ou MORITA Yoshimitsu. En 1984, ISHII et MORITA sortiront d'ailleurs tous deux des comédies remarquées sur la famille japonaise type: Jeux de famille, film de MORITA très remarqué par la critique, et The Crazy Family, "pause" comique pour ISHII après son cyberpunk -et bientôt très influent- Burst City (1982).  Avec ces profils atypiques, le cinéma gagne en liberté artistique au détriment d'un spectacle accessible à un large public. Ce n'est heureusement pas le cas d'un cinéma d''animation en pleine montée en puissance au Box Office et artistiquement durant la décennie. Les années 80 ont ainsi vu l'émergence de cinéastes comme TARO Rin et KAWAJIRI Yoshiaki ainsi que du désormais mythique Studio Ghibli: MIYAZAKI Hayao connaît déjà le succès populaire avec Mon Voisin Totoro (1988) et TAKAHATA Isao réalise pour le studio l'émouvant Tombeau des Lucioles (1989). OTOMO Katshiro fait quant à lui date avec un Akira (1987) aussi fondateur esthétiquement que thématiquement.

Amour, jeunesse et humour

Jusqu'aux années 70, le contexte historique (guerre) et les différences de milieux sociaux offraient un vrai ressort dramatique aux films d'amour. Dans les années 80, les obstacles ne sont plus les mêmes et le genre s'en trouve modifié. Il utilise alors comme ressort la différence culturelle comme dans Pour Kayako (1984) d'OGURI Kohei sur la difficulté d'une histoire d'amour entre un garçon coréen et une Japonaise élevée par un père adoptif coréen. L'amour romantique est dans les années 80 objet de dérision au cinéma, comme dans La Marche de Kamata (1982) de FUKASAKU. Néanmoins, la figure classique du nimaime subsiste à travers la star du genre ISHIZAKA Koji. On le voit sous la direction d'ICHIKAWA Kon dans des films cherchant à séduire le public par leurs actrices comme le cinéma d'avant les sixties. SUZUKI Seijun fait lui un come back à travers deux films sur la passion Zigeunerweisen (1980) et Brûmes de Chaleur (1981). WAKAMATSU évoque la passion de façon plus sage que dans les années 60 avec La Piscine sans eau (1982) tandis qu'amour et mémoire se mêlent dans le cinéma d'OBAYASHI Nobuhiko. Ce dernier est d'ailleurs considéré comme un des cinéastes les plus créatifs des années 80. Issu de la pub et du cinéma amateur, il se distingue par des films sur l'adolescence tels que Adieu à moi (1982) et La Jeune Fille Triste (1985). SOMAI Shinji évoque aussi ce thème avec le remarqué Typhoon Club (1985). Les années 80 sont aussi celles du cinéma comique. La série Tora San bat des records de longévité tandis qu'OKAMOTO Kihachi met en scène dans Jazz Daimyo (1986) un seigneur féodal mordu de jazz. En 1984, ITAMI Juzo, fils d'ITAMI Mansaku,connaît un succès suprise en salles avec son premier film Funérailles diffusé dans les salles de l'ATG. Il deviendra un cinéaste phare de la comédie japonaise des années 80 avec notamment le western nouilles Tampopo (1986).

Jidaigeki, guerre et seconde vague de films apocalyptiques

Dans les années 80, le jidaigeki existe quasi-exclusivement au travers d'un public âgé qui le regarde à la télévision. Il n'attire plus le jeune public et le coût des figurants rend difficile la fabrication de films à grand spectacle. Les deux jidaigekis de KUROSAWA Kagemusha (1980, palmé à Cannes) et Ran (1985) nécessitent des capitaux étrangers. IMAMURA tente lui d'introduire une sensibilité sociale dans le genre avec Eijanaika (1981). KUMAI Kei, SHINODA et TESHIGAHARA tentent eux de revitaliser le genre avec des fortunes diverses. La question du regard des ennemis guerriers d'hier irrigue des films japonais tels que Furyo (1983) d'OSHIMA ou Le Proçès de Tokyo (1983), film de KOBAYASHI cherchant à évoquer avec objectivité l'évènement-titre. Le remake par ICHIKAWA de sa Harpe de Birmanie (1985) est attaqué par les Chinois pour son ignorance des souffrances de l'ennemi birman. Les peurs apocalyptiques irriguent elles Les Enfants de Nagasaki (1983) de KINOSHITA Keisuke sur un Nagasaki avant et après la bombe, le documentaire de SHINDO La Mort de la troupe du cerisier (1988) sur une troupe théâtrale morte en tournée à Hiroshima et l'adaptation d'IBUSE Pluie Noire (1989) d'IMAMURA. A cette époque, la thématique du futur vu comme apocalyptique se retrouve également dans tout un pan du cinéma d'animation (Akira...).

Yakuza eiga en crise

Le déclin du genre dans les années 80

Nouvelle Vague et années 80

Appendice: La Nouvelle Vague aujourd'hui

Enfants, nature, pauvreté

Un certain nombre de films sur l'enfance sont produits au Japon dans les années 80. Citons L'Equipe de Baseball des garçons de Setouchi (1984) de SHINODA montrant des Japonais évoluant vers la sympathie pour l'occupant américain ou encore Pays Natal (1983) de KOYAMA Seijiro sur l'amitié entre un enfant et son grand-père. Le cinéma se fait aussi l'écho d'un mouvement idéologique de retour à la nature alors en vogue. Citons le documentaire Voyage à Furuyashiki (1982) d'OGAWA Shinsuke tourné dans un hameau montagnard frappé par un terrible froid, L'Horizon (1984) de SHINDO sur des immigrés nippons tentant de vivre d'agriculture en Californie et deux films de YANAGIMACHI: Les Feux d'Himatsuri (1985) marqué par le shintoïsme et Adieu à ma terre natale (1981) sur l'industrialisation d'une zone rurale. Malgré la disparition de la solidarité de la classe moyenne à leur égard le thème des pauvres marque le cinéma de l'époque. La dimension compassionnelle est ainsi présente dans La Rivière de boue (1981) d'OGURI tandis que dans Zegen (1987) IMAMURA montre sa gêne face aux aventures risquées de certains japonais pour gagner de l'argent en Asie. Signalons pour finir le caractère encore florissant du genre documentaire dans le cinéma japonais des années 80.

Source: Le Cinéma Japonais par Sato Tadao

date
  • September 2006
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