Si le cinéma érotique contemporain a toujours été prompt à livrer des trames aux tendances dépressives, les productions récentes semblent avoir évacué ces penchants mortifères au profit de chroniques réalistes offrant une vision plus nuancée de la psyché de leurs protagonistes. Ainsi, A Lonely Cow Weeps At Dawn se développe sur un canevas certes dramatique mais s’offrant in-fine comme une belle réflexion sur le cours de la vie et d’inéluctabilité de certaines issues. Reprenant les atours d’une chronique familiale, le film se dévoile comme une variation atypique où les éléments érotiques s’offrent par l’entremise d’un pitch surprenant rappelant son attache à ces salles obscures bien particulières (un étrange rituel matinal où un homme vient littéralement traire sa belle-fille dans son étable, clin d’œil détourné au 1900 de Bertolucci). Ce Beau-père pervers (titre d’exploitation original) narre ainsi la relation qu’entretiennent un père et sa belle fille dans une ferme isolée. Ayant tous les deux perdus tragiquement leur moitié, ils trouvent refuge dans une cohabitation à l’abri du monde et de son agitation.
Se refusant au schéma classique des amours sulfureux (point de relations ‘interdites’ ici, la frustration sexuelle étant tant bien que mal refoulée dans de froides scènes d’onanisme), Daisuke Goto préfère œuvrer à sonder le repli des protagonistes et le décalage progressif qui se tisse avec l’extérieur. Les éléments sexuels se manifestant par des personnages périphériques, tantôt sous le jour de l’ironie (un vétérinaire et sa charmante secrétaire) ou sous un regard froid (une fille de passage passablement paumée). Ainsi ce qui caractéristique l’ensemble est l’empathie du réalisateur envers ses deux personnages centraux dont il s’attache à retranscrire leur quotidien paisible et monotone dans un cadre aéré inhabituel pour le genre. Reprenant les motifs scéniques classiques ‘à la japonaise’, le film s’articule autour de plages silencieuses et cadrages fixes pour mieux souligner les variations comportementales du ‘couple’. Une progression qui par petites touches successives parvient pleinement à manifester le drame se nouant, à savoir l’émergence manifeste de la sénilité chez ce vieil homme que la jeune femme ne veut abandonner. Quand le cours des choses voudrait qu’il vende sa ferme et parte en maison de retraire, laissant sa belle-fille refaire sa vie ; le couple s’attache à entretenir cette illusion de normalité et à retarder l’inéluctable. La scène-titre de ‘traie’ apparaissant comme la manifestation de la maladie de l’homme ne s’étant jamais remis de la mort de sa vache adorée, symbole de sa vie passée. Un improbable parti-pris typique du genre où s’accommodent de façon surprenante les impératifs ‘exploitationistes’ et les ambitions d’auteur, le curieux rituel soulignant avec tendresse la situation pathétique dans laquelle le couple s’enfonce, autant par peur d’abandonner l’autre que d’affronter un avenir différent. Une trame périlleuse qui parvient contre toute attente à toucher juste, à l’image de l’inévitable déchirement manifesté dans une conclusion résignée et sensible annonçant non pas la fin tragique de deux existences, mais l’avènement d’une nouvelle vie et d’un retour à la réalité.
Outre la distance pudique qu’instaure Daisuke Goto (à mille lieux de ses très oubliables réactualisations contemporaines de la ‘mythologie’ de la Femme Scorpion et Zero Woman) et le beau thème musical de Hajime Oba, la mélancolie teintée de tendresse qui émerge de l’ensemble doit aussi surtout à la composition nuancée et crédible de ses acteurs ; Horyu Nakamura incarnant un homme perdant pied avec la réalité sous le regard compatissant de sa compagne Ryoko Asagi ne sachant se résoudre à agir. En résulte une pellicule témoignant de la pluralité des genres au sein du pink-eiga et offrant une charge émotionnelle inattendue pour un tel dispositif atypique. Une des belles réussites récentes du genre.
approuvé par deux copines non-nippophiles, ça vaut tout les 5 du monde! Et vostf hein ^^