Johnnie To : la maturité ?

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09/04/06 04:32 

Johnnie To est de ces réalisateurs qui savent parfaitement délimiter les attentes du public et s'y conformer avec une précision et une maîtrise suffisants pour assurer à leurs oeuvres un succès certain. Running Out of Time, Fulltime Killer, PTU et autres Breaking News montrent combien le réalisateur semblait se complaire dans un rythme et des méthodes de travail bien rodées, laissant peu de place à la prise de risque dont pourrait résulter une certaine originalité.

Là, normalement, avec une telle introduction, n'importe qui devrait comprendre que je ne suis pas un fervent défenseur du réalisateur hongkongais. Ce qui me dérange, ce n'est pas tant la médiocrité de certaines oeuvres que la volonté de suivre des recettes éprouvées desquelles résulte un manque total de profondeur dans les films de l'auteur. Allez, disons que PTU offre pour sa part un beau portrait de la ville, une magnifique promenade de nuit. Quelques élans d'esthétique d'un mouvement qui n'est pas tant celui de la caméra que des quelques corps qui se meuvent dans une ville aux rues désertes, des ombres qui se croisent l'espace d'un instant, une esthétique du mouvement dans le vide. Voilà peut-être ce que Johnnie To a entrepris de plus audacieux ces dernières années. Rien de transcendant, donc.

Quand on voit Election, plusieurs choses frappent.

La première, c'est la distance. Je ne compte pas entrer dans les détails - les critiques sont là pour ça - mais il est vrai que le réalisateur prend dans ce film un recul surprenant par rapport à ses précédentes oeuvres. La caméra suit l'action de loin, s'impose une frontière invisible, même dans les plans serrés. De même pour les personnages, on reste éloignés de leur intimité et aucun moment de complicité ne viendra briser cette distance qui nous sépare. La différence est donc énorme. Car, dans les précédents films de Johnnie To, de nombreuses scènes visaient clairement à nous rapprocher des personnages. Que ce soit des scènes de complicité comme celle de la cuisine dans Breaking News, des scènes romantiques bas de gamme comme celles de Running Out of Time et Fulltime Killer, ou des scènes à l'humour local éculé (les pets, vraiment à proscrire de tout film tant cela devient lassant).

La deuxième, c'est le sérieux avec lequel le film est traité. Ce n'est pas que l'on ait au final un documentaire, mais il s'en est fallu de peu ! Johnnie To traite ici un sujet qui lui tient à coeur, c'est incontestable. Les triades, coeur même du film, sont pour lui quelque chose qui fait partie de sa vie, comme tout hongkongais ayant grandi dans l'ancienne colonie britannique. Car, qui sont ces hommes ? Des ombres sur les trottoirs de Kowloon ? Ombres qui se fondent dans la nuit hongkongaise ? Non, ces êtres sont proches, il y a une réelle proximité entre le citoyen moyen et le membre d’une triade. Ce sont, comme cela nous est montré en introduction, des hommes qui déjeunent ensemble, avec des femmes qui jouent au mah-jong et des enfants qui courent entre les tables. To nous dresse ici un portrait qui se veut respectueux, un portrait soigné, une oeuvre peut-être froide et distante mais une oeuvre à la précision exemplaire.

Le réalisateur est impliqué dans son oeuvre, il atteint, je pense, une certaine maturité que rien ne laissait prévoir.

Quand on voit le trailer de Harmony is a Virtue (Election 2), on constate que les deux tiers de ce court extrait sont justement montés comme un documentaire, à base d'images d'archives sur lesquelles viennent s'jouter dates et commentaire en voix off.

Alors, Johnnie To, réalisateur qui atteint la maturité ? Réalisateur qui décide de prendre des risques (il affirme, sans que cela ne semble le déranger, qu'Election 2 est trop violent pour qu'une sortie en Chine soit envisageable) ? Ou réalisateur touché par la grâce le temps de quelques mois ?



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09/04/06 11:22 RE: Johnnie To : la maturité ?

Je serais assez d'accord sur la notion de solidité que Johnnie To semble vouloir conférer à son cinéma. On peut d'ailleurs voir ce recentrage sur les thème abordés. Après tout depuis Love For All Seasons, il n'a pas donner dans la comédie locale facile et grand public. Pourtant c'est sur ce créneau qu'il rentabilise le plus, d'où une question: pourra-t-il se passer de ce marché du point de vue purement économique? En tout cas c'est une attitude assez rare pour être remarquée (n'est-ce pas M. Andrew Lau?)...


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09/04/06 19:40 RE: Johnnie To : la maturité ?

En tout cas, il a atteint une "maturité commerciale" - arrivant là où il avai clamé voilà 10 ans de voiloir arriver. Se permettre de pouvoir tourner le projet qu'il veut. Bloquer les acteurs les plus en vus de HK sur des périodes de 12 mois. Sortir 4 (QUATRE) projets sur 27 produits au totale à HK en 2006 (les chiffres viennent de tomber). Satisfaire un marché européen en tournant des films dits "auteurisants" (mais à y regarder de très près, il a compris tout ce qu'il avait encore "inventé" sur "The Mission") comme "PTU"...
"Election" est une savante resucée des meilleurs ingrédients appliqués par le passé; "Election 2" est un remake pur et simple de son premier - mais en bien mieux (sauf la violence exacerbé et gratuite par moments pour justifier pleinement de son "CAT 3").

Quant aux images du trailer (attention : les trailers peuvent dire bcp de choses concernant un film, comme être trompeur), sache que les images d'archives ne prennent que 2 mn du film - mais ont une importance capitale en cours du récit.
Et c clair, qu'il ne pourra jamais montrer son film en Chine (fau le voir pour le croire); là se situe peut-être le gros de son (im)maturité : pouvoir REVENDIQUER son cinéma et faire la nique à ce qui présente aujourd'hui la meilleure source de financement...En espérant, qu'il ne tombera pas de sitôt de son "piedestal"...



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09/04/06 21:53 RE: Johnnie To : la maturité ?

>faire la nique à ce qui présente aujourd'hui la meilleure source de financement...

Je ne sais pas: les triades ne sont-elles pas depuis un sacré bout de temps une source de financement conséquente à HK?



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10/04/06 03:01 RE: Johnnie To : la maturité ?

Je parlais des financiers chnois ; )


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10/04/06 07:45 RE: Johnnie To : la maturité ?

Ok, simplement pour le cas Johnnie To ne crois-tu pas que les Triades lui filent un bifton ou deux de temps en temps pour les mettre en valeur (et en scène)? On sait tous que même si un film cherche à montrer que "les triades c'est pas bien", ça attire malgré tout. Dans "Election" le discour n'est pas toujours clair je trouve. GROS SPOILER: la fin veut à la fois dire que le mal est partout ET qu'on ne la fait pas à Simon Yam, which means: respect. FIN MEGA BIG SPOILER.


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12/04/06 23:53 RE: Johnnie To : la maturité ?

>>> "Election 2" est un remake pur et simple de son premier - mais en bien mieux (sauf la violence exacerbé et gratuite par moments pour justifier pleinement de son "CAT 3").

A bon t'es sur ?
Comment tu le sais, tu l'as vu déjà ?



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20/04/06 08:32 RE: Johnnie To : la maturité ?

Vu en ouverture du dernier HKIFF (avec "Isabella"), Zalem ; )

Les triades sont toujours tellement impliqués dans le milieu cinéma / télé / musique qu'on ne peut être sûr de rien - de là à dire, qu'il fait "l'apologie des triades"... Ce serait le cas avec tout film suivant un personnage du milieu sans le denoncer... ouaiche...



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20/04/06 12:31 RE: Johnnie To : la maturité ?

Sur ce sujet des financements "occultes" dans l'audio-visuel chinois, voir aussi l'article du "China Legal News" relayé par P'tit Panda sur le forum HKCinemagic.



Concernant Johnnie To, je voudrais quand même dire que suis toujours un peu soufflé par certaines de ses "vieilles" réalisations telles que le "Justice, my foot !" de 1992. La recette scénaristique y était certes déjà goutée mais la forme qu'il lui a donné, peut-être très bien épaulée par l'oeuil d'un Peter Pau, était quoi qu'il en soit bien loin des standards de facilité de l'époque (voir par exemple le travail de cadrage dans la dernière scène d'audience, apportant une amplitude peu courante dans ce genre de productions).

Peut-être que si il ne nous avait pas tant habitué à une qualité de réalisation sortant des normes en vigueur pour les différents genres abordés, on ne lui en demanderait pas d'avantage qu'aux autres tâcherons locaux pour le fond ou la recette de ses oeuvres...



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