Interview Aubrey Lam

Après avoir travaillé comme scénariste chez UFO et réalisé un premier film remarqué (12 Nights), Aubrey Lam revient avec un nouveau film, Hidden Track. François a eu la chance de rencontrer cette jeune femme aussi séduisante que sympathique pour un entretien sur sa carrière, son nouveau film et des sujets divers et variés.



François: Pouvez-vous vous présenter en quelques mots et nous dire ce qui vous a amené dans votre fauteil de réalisatrice?

Aubrey: Je suis née et j’ai grandi à Hong-Kong, et initiallement je n’avais pas l’intention de travailler dans le cinéma surtout quand la réalité vous oblige à payer vos factures. Je n’y avais donc jamais pensé. J’ai obtenu un diplôme à l’Université en Histoire et Sciences Politiques. Je pensais travailler dans l’enseignement ou pour le gouvernement, mais je me suis rendu compte que je n’étais pas faîte pour travailler dans une banque et je n’avais aucun talent d'expression oral. Alors je suis partie aux Etats-Unis pour étudier le cinéma, je suis revenue à Hong-Kong et j’ai essayé de rentrer dans l’industrie. J’ai alors rejoint un stage organisé par la guilde des réalisateurs afin de rencontrer des gens du métier plutôt que d'apprendre quoi que ce soit. C'était un stage de trois mois seulement, et en trois mois, on ne peut pas espérer apprendre grand chose, seulement rencontrer des gens. J’ai eu bon nombre de contacts durant ce stage et j'ai commencé à travailler à temps complet en tant que scénariste pour une très bonne boîte de production de l’époque : UFO. Voilà comment j’ai commencé, actuellement j’aurais préféré être réalisatrice, mais on m’a bien expliqué que le meilleur moyen d’y arriver c’était de commencer en étant scénariste.

F: Pensez-vous que votre travail en tant que scénariste pour la UFO a été primordiale pour votre carrière ?

A: Oui complètement pour deux raisons. La première est que je n’avais pas beaucoup d’expérience dans le travail de production, vous devez avoir l'appui à la fois des investisseurs et des producteurs. Mais si vous êtes scénariste, les gens penseront « Bien vous pouvez écrire un scénario » et par conséquent ils penseront que vous pouvez mettre en scène votre scénario. La seconde raison est que la mission principale d'un réalisateur est de raconter une histoire, de bien connaître son script et de rester concentré dessus. C’est plus bénéfique pour un réalisateur d’avoir une expérience de scénariste, plutôt qu’une expérience de chef opérateur, monteur ou de décorateur. Enfin, c’est mon opinion.

 
F: A propos de votre premier film, Twelve Nights : Beaucoup peuvent se reconnaître dans l’un des personnages ou l’une des situations. Avez-vous utilisé certaines de vos expérience personnelles ou de votre entourage pour construire vos personnages ?

A: Tout à fait. Quand j'ai écrit le scénario, j'avais bien l'intention d'utiliser des situations très réelles qui ne ressemblent pas à des scènes de cinéma, avec beaucoup de dialogues. C'est très naturelle de se projeter dans l'histoire que l'on écrit pour un film. Donc certains des dialogues ont réellement été prononcés (rires), par moi ou d'autres personnes que j'ai pu entendre autour de moi, des amis.

F: Les deux personnages (Eason et Cecilia) ont des défauts, ils ne sont pas parfait. Qu'avez-vous voulu dire en décrivant l'échec de leur relation ? Aucun des deux n'est réellement coupable, les deux le sont finalement?

A: Exactement, en fait plusieurs personnes ont critiqué le film en disant qu'ils n'aimaient pas les personnages principaux et qu'il avaient trop de défauts. Ce n'est pas comme un film ordirnaire où le personnage principal est pleins de qualités, à tel point qu'on a envie de lui ressembler. Non, ces personnages sont comme vous et moi, ils ont leurs défauts et finalement on finit par les oublier parce qu'ils sont avant tout humains, c'est mon but. Heureusement, Cecilia et Eason ont tous deux accepté de jouer leurs rôle sans se plaindre sur leur personnage, ils ont suivi le scénario de bout en bout.

F: Est-ce facile de convaincre un producteur d'investir dans un tel film ?

A: J'étais chanceuse d'avoir Peter Chan comme producteur et il avait apprécié le scénario. De toute évidence, c'était une très petite production et par conséquent personne ne s'attendait à de grosses retombées du box-office. Ils m'ont donc donné beaucoup de liberté pendant la création.

F: A propos d'une scéne très marquante dans le film, celle où Cecilia dévoile ses sentiments alors que Eason s'endort. Etait-ce une tentative de rendre ce genre de scène plus originale et/ou une facon d'exprimer votre crainte par rapport au public qui aurait pu s'endormir pendant la projection ?
Eason Chan et Cecilia Cheung
dans 12 Nights

A: (Rires) Oh non, je n'ai jamais eu l'intention de les ennuyer au point de les endormir. Mais en réalité, la même chose m'est arrivée et je suis celle qui s'est endormie. C'est aussi en référence à "Scène de Mariages" d'Ingmar Bergman, c'est pas tout à fait la même scène, mais la fille essaie de lire son journal intime alors que son mari sombre dans le sommeil. La scène était très frappante et ça m'est arrivé, donc j'ai pensé: quand l'amour commence à s'éteindre, la chose la plus cruelle est que l'autre partie peut nous tuer, et c'est ceci le thème principal de mon film. Quand vous êtes extrêmement amoureux d'une personne et que vous allez jusqu'à pleurer pour elle, cela ne signifie rien du tout pour cette personne car elle a cessé de vous aimer. Cela ne signifie pas toujours que vous êtes la victime, mais vous êtes la personne qui fait du mal à l'autre. C'est pourquoi la fin est un équilibre des pouvoirs, cette scène est sans aucun doute une des plus importantes du film, c'est la partie que je préfère, à propos de l'amour, du soit disant amour. Qu'est ce que c'est ? C'est juste un flot, qui coule et coule sans fin.

 

F: Vous avez cité d'Ingmar Bergman en tant que source d'inspiration, je suppose que vous êtes cinéphile. Maintenant que vous êtes réalisatrice, voyez-vous les films de façon différente?

A: Vous savez, je n'ai pas vu mon film depuis qu'il est sorti, parce que je l'ai vu des centaines de fois, vous pouvez comprendre ca. Mais avec le recul, je pense que je peux faire beaucoup mieux parce que avec l'expérience, beaucoup de choses peuvent être améliorées et surtout dans la partie technique, c'est très "grossier". Mais au niveau du scénario, on m'a dit quelque chose pouvait être fait à la suite de cette scène. En fait, beaucoup de gens se sont posés la question, à savoir pourquoi Eason retombait-il amoreux de Cecilia, que s'était-il passé entretemps ? Il semblerait donc qu'il y ait un trou dans l'histoire et je ne l'ai pas reconnu, mais j'ai préféré suggéré quelque chose. Autrement le film perdrait de son sens, pourquoi changer ?

F: Et a propos des films d'autres réalisateurs, vous les percevez différent comme vous êtes devenu réalisatrice et scénariste ?

A: Oui, je me dis : "Oh j'ai pensé à cette scène" mais certains réalisateurs peuvent vous surprendre dans leurs mis en scène. C'est uniquement aprés avoir été réalisatrice qu'on comprend la difficulté de la mise en scène sur le plateau de tournage. On voit les choses différemment.

F: Avez-vous un peu perdu le plaisir de voir des films ?
A: Non, je peux faire les deux. Je prend toujours du plaisir à voir des films.
F: Etait-ce difficile d'avoir Ronald Cheng, Stephen Fung et Nicholas Tse pour jouer des petits rôle dans le film ?

A: C'est mon producteur qui leur a demandé de jouer ces petits rôle pour moi (rires). Et ils savaient que ces rôles leurs conviendraient. D'ailleurs ça leur a plutôt plu, j'ai lu quelques interviews après la sortie du film, et ils étaient ravis d'être dans le film.

 
F: Très bien, passons à votre nouveau film: Hidden Track. Qu'est ce qui vous a plu dans l'histoire ?

A: Hidden Track est un film très différent de Twelve Night, c'est pourquoi j'ai décidé de le réaliser. C'est une réaction très naturelle de vouloir éviter de répéter sans cesse les même choses. C'est pourquoi je voulais faire un film d'un style réellement différent. Il n'est pas du tout réaliste, un peu décalé, romancé, mais l'image de la situation actuelle de la société est elle très réelle. La condition des personnage est réelle mais d'une certaine facon j'ai utilisé une autre façon de représenter la réalité. J'étais très enthousiaste à l'idée de tourner ce film parce que je n'avais jamais fait ça auparavant et je n'avais aucune idée du résultat final. C'est un peu comme marcher au bord du gouffre, on est excité, on se sent en insécurité pendant le processus de création car le résultat final vous est inconnu

F: Vous êtes à l'origine de ce projet, comment avez-vous rencontré les gens de chez Jin Chuan Pictures ?

A: C'est une longue histoire parceque à la base c'était un sujet totalement différent, à propos de crétins. C'était très stylisé, un film très dur, mais Teddy n'appréciait pas l'idée, alors on a du changer de direction. Alors j'ai pensé à des hommes avec de la musique, un film plus commercial. La structure est basée sur un livre de Italo Calvino 'If on A Winter's Night, A Traveller'. C'est à propos d'un lecteur qui essaie de lire un livre et après dix première pages, l'histoire change, au point qu'il en oublie totalement la première. Alors il part chez un libraire pour tenter de trouver la seconde histoire, il trouve un deuxième livre, mais à nouveau au bout de dix pages c'est la première histoire qui revient, ainsi de suite. J'ai trouvé cela rusé et malin, et j'ai utilisé cette structure dans mon second film: en cherchant un CD, on passe d'un à l'autre. Un type de musique représente un type d'homme, cela rend l'ensemble bien plus intéressant.

Donc on ne parle plus de tout de crétins, mais d'un type de personne bien différent: pas seulement des hommes, cela peut être des hommes, des femmes, dans tous les cas ce sont des personnes qu'on trouve dans la société actuelle. Après tout ce que j'ai entendu de mes amies, c'est tellement difficile de tomber amoureuse. Et je pense qu'elle ont raison: j'aimerais bien tomber amoureuse, je veux seulement trouver un petit ami stable. Mais cela n'existe pas. C'est venu comme ça. Les choses sont tellement étranges dans la société actuelle, je voulais en parler. Vous ne pouvez plus trouver quelque chose de commun et de simple maintenant, c'est fini, il n'y a plus rien d'aussi simple.

F: Pour Hidden Track, vous avez le concept du CD et pour Twelve Night vous aviez le concept des douze nuits. Est-ce important pour vous d'avoir un concept comme départ pour votre film plutôt qu'une banale structure A rencontre B, il tombe amoureux et blablabla ?

A: J'ai besoin d'avoir un structure bien précise pour chacun de mes films, et Peter Chan est d'accord avec moi. Il me disait que mon sujet était trop banal pour un film commercial et qu'il fallait avoir une structure plus attractive pour avoir le financement et aussi attirer le public et c'est ce que je fais actuellement. Comme mes sujets ne sont pas très attractifs commercialement parlant, il est alors vital de faire quelque chose qui fait dire "Oh c'est intéressant ça". Alors les gens viendront voir votre film. C'est ce que j'essaye de faire.

F: Le titre chinois fait directement référence au chanteur Taiwanais Jay Chou. Qui a eu cette idée et était-il difficile d'avoir un nom si connu attaché à votre projet ?

A: Non, au départ, j'ai choisi une chanteuse très ordinaire de Hong-Kong mais Teddy à dit "Non, personne ne s'intéresse à elle" (Rires). J'étais partie sur cette idée d'avoir quelqu'un de vraiment ordinaire mais quelque part ça n'existe pas. Il m'a dit que commercialement ça ne marcherait jamais alors on a choisi Faye Wong et de Faye Wong on est passé à Jay Chou. Je pense que Jay Chou est le meilleur choix car il est considéré comme une idole, le petit ami de rêve pour beaucoup de fans. Alors j'ai pensé que ça correspondait bien au sujet du film : Chercher un homme, chercher quelqu'un qu'on idolâtre. Jay Chou semblait être le bon choix.

F: Et vous aimez sa musique ?

A: Oui beaucoup ...

Aubrey Lam
F: Pourquoi avoir travaillé avec Jin Chuan Pictures plutôt qu'un autre studio ?

A: Parceque j'ai débuté le projet chez eux avec Teddy, voilà pourquoi. Je pense qu'on a dû discuter du projet pendant plus de six mois avant que je me mette à écrire le scénario, voilà comment nous avons commencé. Comme l'histoire des huit crétins remonte à quatre cinq ans et que j'en avais parlé avec Teddy, quand il a monté sa boîte de production, il est venu me voir et m'a dit : "Et si on faisait le film ?".

F: Pensez-vous que Jin Chaun est une sorte d'extension d'UFO ? Pour moi UFO s'est divisé en deux, Applause Pictures d'une part avec Peter Chan, un studio plus panasiatique et Jin Chuan de l'autre, qui est plus "chinois".

A: Oui, c'est différent parce que Jin Chuan se concentre plus sur la chine populaire c'est vrai, et c'est à la mode en ce moment. Je pense que c'est une bonne chose, car on n'a plus de financement venant de la Chine et donc plus de liberté quand on tourne nos projets. Peter n'aime pas trop la Chine Populaire, il aime plutôt anti-Chine (rire). Il n'a ni l'envie d'aller en chine ni l'envie de discuter avec des Chinois alors c'est peine perdu d'essayer ça avec lui. Par contre ici avec Jin Chuan c'est vraiment possible.

F: Vous dîtes "Plus de financement, plus de liberté" mais n'avez-vous pas peur de la censure ?

A: Etrangemment non. Ils ne sont intervenus tant que ça sur le scénario de Hidden Track, mis à part sur quelques lignes. C'était très acceptable, étonnement.

F: Twelve Night était assez anti-romantique contrairement à ce film qui semble plus agréable, plus commercial. Etait-ce nécessaire pour vous de faire quelque chose de plus commercial ?
Cecilia Cheung dans 12 Nights

A: Non, c'est assez douloureux pour moi mais en réalité je n'ai aucune idée de ce qu'est le "commercial". Je voudrais que les gens apprécient mon film. Tout ce qui nuit au film, je n'en veux pas. Je voudrais que le film soit suffisament intérressant pour avoir envie de le voir en entier. Si c'est plus commercial pour eux, tant mieux. Mais en réalité je n'aime pas la fin parce qu'elle donne au public ce qu'il attend, elle n'est pas réelle. Parfois c'est un peu "Faîtes ce que vous voulez à 100%", et parfois c'est plus comme un conte de fée. Ca ne me dérange pas parce que ce n'est pas un film réaliste. Même si la fin est un soit disant Happy Ending, elle n'est pas si heureuse que ca. De plus Teddy m'a même dit qu'il la trouvait trop triste, je ne sais pas, peut être que ce n'est que moi. Je ne peux pas voir les choses trop naivement et vous dire que tout est ok. Même quand vous êtes heureux, vous êtes obligé de passer par beaucoup de larmes. C'est ainsi que je vois la réalité contrairement à eux, ils voudraient que tout le monde aime et soit heureux pendant tout le film et ça, ça ne me convient pas. Si c'est ça le commercial alors non, je n'adhère pas.

F: Mais comme on l'a dit, tout le monde doit payer ses factures. Voudriez-vous avoir une carrière comme Clint Eastwood ou encore Johnnie To, c'est à dire faire deux trois films commerciaux pour récolter l'argent et avoir par la suite toute la liberté pour réaliser un projet plus personnel ?

A: Comme PTU vous voulez-dire ? Je pense qu'il est très talentueux et il peut faire ca, mais c'est pas donné à tout le monde. Je fais du commercial, et ensuite je fais du non commercial. Non. Vous ne pouvez pas dire : "Je veux que ce film soit commercial" et récolter le plus d'argent possible au box-office. Non, il peut peut-être le faire mais moi probalement pas.

F: Alors quels sont vos futurs projets ?

A: J'ai deux projets actuellement mais rien de concret, en vérité je ne sais pas. Je pense que si je peux faire un autre film alors c'est en soit une chance, je n'ai rien de vraiment préparé. En réalité, je ne suis pas si ambitieuse, tant que je peux faire des films qui me plaisent, cela me convient.

F: Pensez-vous que les résultats d'Hidden Track au box-office vont avoir une influence sur votre prochain film ?

A: En fait, je ne sais pas comment me positionner. En tant que réalisatrice, soit vous faîte du film d'auteur, soit du film commercial. Je ne ferai pas des films commerciaux, c'est une certitude. Est-ce que j'ai envie de faire du film d'auteur ? Non, parce que je voudrais que mon film ait un public important. Quand vous faites un film, vous voulez que les spectateurs l'apprécient. Pour les soit disant film d'auteur, vous avez certes des récompenses mais peu de public. Cela ne me convient pas. Peut-être que je voguerais toujours entre les deux mais c'est très difficile car on peut difficilement faire partie des deux catégorie de film, sans oublier que je fais des films pour mon plaisir avant tout. Je suis comme ca et je suis pas sûre de changer tout de suite, peut-être après quelques années, mais pas à l'heure actuelle.

F: L'actrice principale, Popo, est inconnue à Hong-Kong et elle n'a pas d'expérience en tant que comédienne. Parlez-nous d'elle et était-il difficile de travailler avec une débutante ?
Popo dans Hidden Track

A: Au départ je penserais que cela serait facile car elle est très fraîche et timide. Elle paraissait très agréable humainement parlant, et elle correspondait bien au personnage qu'elle devait interpréter. Alors j'ai pensé que si elle était à l'aise devant la caméra, tout se déroulerait bien. Mais il s'est avéré qu'au milieu du tournage, elle était plutôt différente de l'idée de départ que j'avais d'elle. Elle est différente de son personnage. Quand vous travaillez avec elle, elle est plutôt têtue et triste. Je pensais au départ qu'elle était heureuse et simple mais c'était pas le cas et d'une certaine façon cela a rejailli sur son personnage et ça posait problème. D'une certaine façon c'est impossible à éviter, on ne peut pas transformer une personne dans son intégralité. C'était le plus difficile car je me suis rendu qu'elle n'était pas mon personnage, elle n'était pas heureuse, pas si simple, elle pensait à beaucoup de choses avant de les faire, mais c'était le meilleur choix que j'avais à ce moment là. Je veux dire parmi toutes les possibilités après les casting. Je ne peux pas vraiment me plaindre, elle était ce que je pouvais avoir de mieux.

F: Passons aux jeune acteurs, de nos jours, il n'y a pas tant de jeunes acteurs très prometteurs à Hong-Kong. Mais vous avez quand même réussi à réunir les deux plus talentueux : Daniel Wu et Shawn Yu. Parlez-nous de votre collaboration avec eux.
Shawn Yu dans Hidden Track

A: En vérité, Shawn Yu n'avait jamais joué dans des comédie avant, mais je le connaissais avant qu'il ne devienne connu, et je savais que c'était déjà une personne très drôle. Il était prédisposé pour le rôle. Je suis plus qu'heureuse de son travail dans le film et beaucoup de gens pensent qu'il a bien interprété son rôle et qu'il a beaucoup progressé ces dernières années. Je pense que c'est une bonne chose pour lui d'essayer des choses différentes, qu'il ne se contente pas de jouer uniquement des choses sérieuses tel que Infernal Affairs. Il s'essaie à d'autre genre et je suis plutôt surprise du résultat, il a été au délà de mes espérances. Il était plutôt heureux d'interpréter un pauvre type dans le film (rires) malgré l'image de beau gosse qu'il doit toujours véhiculer dans ses films. C'est un pari intéressant pour lui de ne pas paraître comme un beau gosse. Je pense qu'il se remarque vraiment dans le film.

F: Et Daniel ?

A: Oh, il est très drôle parcequ'il est tellement masculin. Il joue un homme qui écoute toujours sa maman donc c'est une fois de plus totalement anti-romantique. Aussi au début, le personnage féminin principal tombe amoureuse de lui, il est si beau et si fort, mais en réalité il n'est pas si viril que ça. Et c'est très vrai, beaucoup de gens ici pensent être ce qu'on appelle "tai lam yan", un homme viril et macho, mais au fond ils sont loin d'être aussi virils qu'ils veulent bien le faire croire. C'est le type d'homme dont je voulais parler dans le film.

F: Daniel nous a dit dans une interview récente qu'il n'aimait pas jouer des héros, mais plutôt des personnages faibles, ou des personnages avec des défauts. Pensez-vous qu'il se sente un peu mal à l'aise à Hong Kong?

A: Je pense qu'il ne se sent pas totalement à l'aise parce que sa langue maternelle n'est pas le cantonais, et cela a beaucoup d'influence sur son jeu. Mais il aime vraiment les films, parce qu'il veut devenir réalisateur, c'est ce que j'ai entendu. Il est vraiment très consciencieux à ce sujet. C'est pourquoi il veut essayer des choses très variées, et pas jouer toujours des héros. Pour beaucoup d'acteurs, le plus important est d'avoir une belle gueule à l'écran. Mais il est différent, il est bien meilleur. Il a accepté de jouer ce rôle et de montrer qu'il se fiche de sa soit-disante image. Et il n'est pas chanteur non plus, donc il a plus de liberté.

F: Pensez-vous être plutôt chanceuse d'avoir eu des acteurs qui ont pris le risque de jouer avec leur propre image ?

A: Oui sans aucun doute. Je connaissais Shawn Yu bien avant ce film et il avait apprécié Twelve Nights. Au départ, il n'aimait pas le scénario de Hidden Track mais il m'a dit : "Je te fais confiance alors si tu penses que c'est bon, je le fais". Il m'a avoué aussi qu'il voulait jouer quelque chose de différent. Un fois le film terminé, il a plutôt apprécié son rôle et semblait aussi heureux de le faire pendant le tournage. Je suis heureuse que ça lui ait plu parce qu'il a fait beaucoup de sacrifices. (rires)

F: J'ai d'abord vu le teaser sur Internet et celui-ci était plutôt surprenant, qui a eu l'idée d'intégrer de l'animation ?

A: C'était une idée de Cheung Chi Kong, le producteur exécutif du film. J'étais encore sur le tournage du film quand il a eu cette idée, car on ne pouvait pas utiliser des extraits du film avant le passage à la commission de censure chinoise. Donc on ne pouvait utiliser que des dessins et des images (rires). Cheung Chi Kong a une bonne expérience du film d'animation et je pense qu'il a fait un très bon travail pour ce teaser.

F: Vous pensez que cela correspond bien au film ?

A: Non ce n'est pas exactement le cas, la bande annonce est plus proche du film. Le teaser est trop léger mais il attire l'attention des gens "Quel genre de film est-ce ?" et la bande annonce en dira plus par la suite. Et je dirais même que la bande annonce ne correspond pas exactement au film (rires), il faut voir le film ...

 
F: Passons à des questions plus générales. Pensez-vous écrire sur des histoire d'amour toute votre carrière ?

A:Je n'en suis pas sûre. Je voudrais écrire sur des sujets différents mais il semblerait que j'ai plus de chance d'avoir un feu vert pour mes projets quand j'écris une histoire d'amour, de relations, sur la vie. Mais comme il faut toujours que cela corresponde à un genre bien précis, comme le thriller, le film d'action, la comédie, ou la romance, c'est difficile de convaincre les producteurs d'investir. Comme je suis bonne pour écrire des histoire d'amour et de relations, je dois continuer dans cette voie. Mais en fait, j'aimerais réaliser un thriller si je peux (rires), mais ça ne sera pas pour le moment.

F: Pensez-vous que vous écrivez sur les relations amoureuses parce que vous en cherchez une ?

A: Oui parceque l'amour occupe une grande place dans ma vie, vous savez je trouve la vie si ennuyeuse (rires). Elle est tellement répététive, même l'amour se répète sans cesse. Mais on trouve toujours pire de toute facon. Je trouve qu'il y a seulement deux choses de vraiment appréciables dans la vie : L'amour et la création. Sans eux, l'envie de vivre de disparaît.

F: Peut-être allez vous arrêter d'écrire sur des relations amoureuses quand vous aurez une relation stable ?

A: Je ne pense pas que j'aurais un jour une relation stable (rires). Jamais ...

F: De nos jours à Hong-Kong, être une réalisatrice est un avantage ou un désavantage ?

A: Je pense que c'est plutôt un avantage parce que c'est rare. Quand les gens disent "Des réalisatrice, on n'en a que cinq", vous gagnez toute leur attention car ils sont plus tolérant envers les femmes. C'est peut être triste à dire mais cela ne me dérange pas. Vous avez l'avantage parce qu'on vous sous-estime (rires). Et c'est plutôt amusant.

F: Il y a quelques mois, nous avions demandé à Carol Lai pourquoi les réalisatrices semblaient avoir des messages plus personnels à diffuser avec leurs films. Quel est votre opinion à ce sujet ?

A: Parce qu'elles n'ont pas de place pour s'exprimer, c'est un monde d'homme avant tout. Quand vous allez voir des films, les sujets portent sur les hommes et c'est aussi parfois le cas dans des films réalisés par des femmes. On n'a très envie de parler de ce dont personne ne parle à Hong-Kong, voila pourquoi c'est aussi personnel, car nous n'avons que très peu de possibilité de le faire.

F: Merci beaucoup.

A: Merci à vous.

Tous nos remerciements à Dana pour son aide préciseuse, et à Aubrey Lam pour sa disponibilité.

date
  • octobre 2003
crédits
Interviews