Aux Sources de l'Animation Japonaise - Partie 2/4

PROGRAMME 3 : Les films de Murata Yasuji (1928 à 1934)


Jeudi 17 octobre et samedi 9 novembre 2002

Murata Yasuji est réputé pour être un maître de l'animation en papier découpé.

Les olympiades animales (Dôbutsu orimupikku taikaï) - muet 1928

Après une parade rapide devant le lion et la présentation des concurrents, les olympiades commencent. Les singes font du saut à la perche et les éléphants explosent les records au javelot et au lancer de disque. Beaucoup participent à la course à pattes qui consacrera un vainqueur inattendu.

Succession de saynètes toutes drôles et surprenantes comme le singe qui n'arrive pas à lancer le disque en dehors du cercle de départ et à tendance à partir dans les airs lui-même ou encore le cochon qui fait la course et qui pour aller plus vite aspire le contenu d'un ballon et s'envole. C'est simple, ludique et très efficace. Pour anecdote, l'inspiration de ce sketch vient des 9ème olympiades d'Amsterdam.

Tarôbee chez les lutins (Kobutori) - muet 1929

Tarôbee le bûcheron est défiguré par une énorme verrue qui trône sur sa joue gauche. Un jour où il coupe du bois, il est surpris par une tempête qui le force à se réfugier dans le creux d'un arbre. A son réveil, il assiste à une cérémonie dont les membres sont mi-animaux, mi-humains. Entraîné par la musique qu'ils jouent, Tarôbee se met à danser et cela plaît tellement aux "lutins" qu'ils décident de lui retirer sa verrue. Le voisin de Tarôbee, également doté d'une verrue disgracieuse, voyant ce miracle décide d'aller danser devant les "lutins"...

Issue d'une vieille légende paysanne, cette histoire montre une fois encore qu'être intéressé n'apporte rien de bon et qu'il ne sert à rien d'essayer de rouler les démons. En dehors de ça, l'histoire est gentillette, bien réalisée mais ne m'a pas emballée plus que ça sauf que je n'aimerais pas qu'on m'arrache une verrue de cette taille en tirant dessus comme le font les démons.

Le train de Tarô (Tarôsan no kisha) - muet 1929

Tarô est fier, il est contrôleur de train et son métier le passionne. Pourtant son boulot n'est pas simple avec tous ces voyageurs impolis qui jettent des peaux de banane dans l'allée centrale, ne cèdent pas leur place aux personnes âgées ou s'alcoolisent allégrement en jettant leur bouteille par la fenêtre.

L'image est très jaune, ça nous change du noir et blanc très propre. Tous les personnages sont représentés par des animaux mais comme chez La Fontaine, la critique s'adressent bien aux hommes dont le manque de savoir-vivre était particulièrement insupportable dans les trains de banlieue au Japon dans les années 30. Les exemples sont choisis judicieusement même si la fin est complètement irréaliste puisqu'après s'être battu, Tarô et des passagers désagréables brisent une paroi et sont éjectés hors du train.

Le singe Masamune (Saru Masamune) - parlant 1930

Un messager est porteur d'un courrier important et court aussi vite qu'il le peut pour l'apporter à son destinataire. Lors d'une pause, il voit une chasseur tirer sur les singes et décide de les défendre. Pour le remercier, les singes l'invitent à les suivre dans leur village où ils le nourrissent et lui offrent le sabre magique du puissant seigneur Masamune. Avec il pourra se défendre contre tous les dangers de la forêt.

Basée sur la réputation que Masamune a d'avoir forgé de somptueux sabres, cette histoire mêle humour et magie. Le sabre conservé précieusement par les singes est confié à quelqu'un dont le grand cœur est digne de le posséder et de s'en servir pour se protéger lui et ses amis. Pour preuve de l'efficacité du sabre, en l'utilisant le messager arrive à couper un sanglier en deux d'un seul coup de lame. Ce film a bénéficié d'une large distribution puisqu'il fut projeté dans toutes les écoles primaires en 1931. 

Momotarô, le justicier des airs (Sora no Momotarô) - muet 1931

Momotarô part en Antarctique pour aider les pingouins attaqués par un méchant aigle. En cours de route, le ravitaillement se fait en deux fois : l'un est sur le dos d'une tortue et l'autre sur une baleine. Mais l'aigle n'a pas l'intention de laisser Momotarô venir aussi facilement sur son territoire.

Le retour de Momotarô, l'enfant né d'un pêche. Cette fois, il doit montrer que sa force légendaire et son courage pourront faire face à un aigle qui fait tout de même la taille de l'avion dans lequel Momotarô voyage. Beaucoup d'imagination, d'action et d'humour qui font de ce dessin animé l'un des meilleurs de cette sélection, même si la fin est sans surprise puisque que l'oppresseur est arrêté par le très fort Roi du Japon. Mention spéciale aux pingouins qui sont aussi excellents que les vrais.

La pêche miraculeuse du singe (Osaru no tairyô) - muet 1933

Un singe et un raton pêchent sur un lac gelé mais peu de poissons s'intéressent à l'hameçon. Sauf le plus gros des poissons qui réussi sans problème à se libérer. Le singe décide de plonger en espérant avoir plus de chance en utilisant cette méthode mais il se heurte à nouveau au gros poisson qui le bombarde avec des petits poissons. A peine ressorti du lac, une idée géniale lui vient à l'esprit et lui assurera une réserve de poissons pour des mois.

Deuxième film qui vaut le détour dans une sélection que j'ai trouvé plus faible que les autres. Cette fois pas de bouilloire magique, d'ailleurs le raton a un petit rôle puisqu'il se contente de rester en surface et de regarder les agissements du singe. Ce dernier mérite bien sa réputation d'animal malin puisqu'après une rapide exploration des moyens de l'adversaire, il optera pour l'organisation d'une voyage en ballon hors du lac pour des poissons suffisamment bêtes pour le croire. A peine sortis de l'eau, ils sont cueillis par le raton. Idée très originale pour une pêche efficace.

Le caporal Norakuro (Norakuro gochô) - muet 1934

Norakuro est devenu caporal grâce à une carrière exemplaire dans l'armée. Lors d'un jour de permission, il s'absente de la caserne pour aller manger des brochettes. Sur le chemin du retour, il décide de faire un somme sur un banc puis pour avoir plus chaud il décide de s'installer dans une poubelle et laisse le paquet qu'il transportait sur le banc. Deux soldats d'une caserne ennemie trouvent le paquet et se disent que ce doit être des papiers importants qui pourront leur servir. Le caporal entend leur conversation et veut récupérer à tout prix son paquet.

Une aventure qui a du chien ! Surtout quand on sait que Norakuro en est un. Il s'agit de l'adaptation d'une célèbre bande dessinée de Tagawa Suihô publiée entre 1931 et 1941 racontant l'histoire d'un chien orphelin s'engageant dans l'armée. Le style est très américanisé mais ça nous change tout de même de Mickey et Felix le chat avec un final inattendu où au lieu de papiers de haute importance on se rend compte que le paquet ne contenait que des brochettes destinées au capitaine de la caserne !


 

PROGRAMME 4 : Les films de Masaoka Kenzô (1934 à 1946)

 

Samedi 19 octobre et samedi 9 novembre

Les bonzes mélomanes (Chagama ondo) - muet 1934

Les ratons aiment danser au son de la musique et se trouvent bien embêtés quand leur radio tombe en panne. Ils décident d'envoyer l'un d'entre eux pour voler le phonographe des bonzes habitant non loin de là. Au moment de repartir le raton tombe dans un piège et les bonzes décident d'en faire un civet. Heureusement, sa famille va venir à son secours.

Le retour des ratons, LE thème récurant par excellence au même titre que les cerisiers en fleur et le printemps. Ce qui est sûr c'est que : qui dit ratons dit grande capacité de la part de l'auteur à toujours innover dans les transformations de ces chers animaux. La forme de bouilloire magique étant le passage quasi obligé. Dans cette histoire, les ratons sont clairement des teignes mais comme personne n'a envie de les voir finir en civet, découpés par une horrible cuisinière squelettique à qui il ne reste que 3 dents, finalement ça n'est pas plus mal que ça soit eux qui repartent avec le phonographe. A noter que ce dessins animés est entièrement réalisé en cellulo.

Base-ball en forêt (Mori no yakyûdan) - muet 1934

Les lions et les lapins disputent un match de base-ball. Les lions sont très forts mais grâce à leur volonté de gagner, les lapins reprennent le dessus. La foule est en délire et les lions commencent à ne plus être fair-play.

Encore une fois, beaucoup d'imagination avec des araignées tisseuses de filets de protection et des chats auxquels on tire la queue pour simuler le bruit d'une sirène (j'avais déjà vu ça ailleurs chez les Américains mais où ? mystère). Bon, après, j'avoue que j'ai eu du mal à m'intéresser à cette histoire qui fait pourtant sourire à plusieurs reprises. D'une part, l'influence américaine est très forte et d'autre part, le dessin est parfois moins bon surtout les lapins qui ont une tête beaucoup trop grosse. Les références à Mickey, Minnie et Betty Boop sont des petits clins d'œil bien sympathique.

Benkei contre Ushiwaka (Benkei tai Ushiwaka) - parlant 1939

Minamoto no Ushiwaka-maru s'entraîne au sabre dans la forêt. Le fait qu'il utilise les arbres comme adversaire irrite un Tengu qui décide de devenir son professeur. L'entraînement est payant et Minamoto part se battre contre le Heike. En route, il croise Benkei qui deviendra son serviteur.

Basée sur un personnage célèbre au Japon (dont l'histoire est disponible ici), cette histoire nous conte sa jeunesse et son apprentissage mais avec quelques petites fantaisies. Le tengu transformant par exemple de simples feuilles en corbeaux guerriers qui serviront d'adversaires au jeune Minamoto.

L'araignée et la tulipe (Kumo to chûrippu) - parlant 1943

Une charmante petite coccinelle chante son bonheur et profite de la nature. De son côté, l'araignée tisse sa toile et invite les insectes à venir jouer dans son hamac. La journée touchant à sa fin, la petite coccinelle prétexte de devoir rentrer pour éviter le piège. L'araignée devient alors plus entreprenante et l'enferme dans une tulipe. Elle accroche un grelot sur le fil et attend que la coccinelle essaye de sortir. Mais la nature en a décidé autrement et la tempête se lève.

Sans doute le chef d'œuvre de cette sélection. C'est tout simplement une merveille. Tout commence comme une comédie musicale : le côté joyeux de la coccinelle s'oppose à la sombre chanson de l'araignée. La méchanceté de l'araignée fait tourner la scène au drame et on tremble devant tant de cruauté. Mais heureusement tout se finit bien :) Ce qui est vraiment dommage c'est que c'est aussi une pellicule qui a beaucoup vieillie et dont le contraste au niveau des blancs n'est pas assez net. En tout cas, ça n'empêche pas de tomber complètement sous le charme de cette petite coccinelle. A noter que ce court est suffisamment célèbre pour être répertorié sur IMDB. Il a aussi été réalisé durant la guerre et montrent bien qu'avec peu de moyens on peut faire des merveilles. 

Féerie du printemps (Haru no gensô) - parlant 1946

Les gouttes de rosée réveillent les papillons. Le jour se lève. C'est le printemps et les cerisiers fleurissent. Tout le monde semble très enclin à profiter de ce beau jour qui ne sera troublé que par une ondée passagère.

Le culte du printemps est encore une fois représenté ici. C'est doux et très beau. L'utilisation de l'Invitation à la valse de Carl Maria von Weber est très judicieuse et rajoute beaucoup de grâce au vol des papillons dans les airs et aux déplacements des différents personnages. Ici pas d'histoire mais juste une journée dans la région de Kyôto parmi tant d'autres. C'est l'après-guerre au Japon et il est devenu difficile de réaliser ce type d'œuvre.

date
  • octobre 2002
crédits
Festivals