Festival de Pusan (Corée) Piff 2005

La ville de Pusan

Pusan est une ville portuaire, sur la côte sud de la péninsule coréenne, comptant 3,7 millions d'habitants. Pendant la semaine du festival, elle se transforme en cité cosmopolite, voyant arriver de nombreux pays des réalisateurs, acteurs, journalistes et spectateurs, faisant vivre ainsi les deux sites principaux du festival : le centre historique, Nampodong, où se réunissent les personnalité lors de séances photo et pour les séances d'empreinte de main sur Nampodong Street, l'équivalent coréen du Hollywood Walk of Fame ; et Haeundae, la célèbre plage de Pusan, la Baule de Corée ; on y trouve le Yachting Center, lieu d'installation du cinéma extérieur, ainsi que les différents lieux de rencontres et conférences comme les hôtels Paradise et Westin.

Les habitants de Pusan, très fiers d'avoir un festival si renommé, envahissent les salles de cinéma pour assister à des films souvent peu connus et des fois impossible à trouver en Corée. Un public coréen curieux et très bon public montrant beaucoup d' intérêt pour cet événement qui ne se déroule qu'une fois par an.

Mais PIFF, ce sont aussi de nombreux jeunes qui, chaque année, viennent donner de leur temps et de leur enthousiasme pour faire vivre le festival et aider les spectateurs sur le site. Cette année, les 539 volontaires, passant parfois 12 heures par jour à renseigner coréens et étrangers, n'ont jamais perdu le sourire, allant des fois accompagner les visiteurs simplement pour trouver un magasin qui vend des cartes postales (pas facile à Haeundae).

Pour lancer le festival, le Yachting Centre (cinéma de plein air) ouvre la danse avec « Three Times », le film de Hou Hsien Hsien proposé lors du PPP il y a 3 ans, ceci précédé par la présentation du festival, cette année par l'un des plus célèbres acteurs coréens actuel Ahn Sung-Ki, puis d'une apparition de BoA, chanteuse pop très connue en Corée et au Japon. En outre, chaque film présenté le soir au Yachting Centre était précédé d'un mini-concert (la clôture présentant une troupe traditionnelle coréenne). Toujours sur l'ouverture, quelques personnalités remarquables ont honoré le festival de leur présence, comme Jackie Chan, accompagné de Kim Hee-Sun (« The Myth »), mais aussi Im Kwon-Taek, Park Joong-Hoon, Kang Dong-Won et Ha Ji-Won (« Duelist »), Su Ae, Tsumabuki Satoshi et Uhm Ji-Won. Quant à la clôture, la présence de personnalités se fit plus rare ; juste l'équipe du film « Wedding Campaign » qui fut très bien accueillie par le public, fermant ainsi la porte du festival sur un bon ton.

Nouveaux courants

Au milieu de ses 307 films, le festival de Pusan dispose d'une petite compétition de nouveaux courants, composé uniquement de premiers films. Ces films, cette année apportant une grande diversité de genre, viennent de toute l'Asie, de l'Iran jusqu'au Japon en passant par l'Inde et Hong-Kong. Tout d'abord, la Corée était la plus présente dans la compétition avec 3 films : « The Peter Pan Formula », drame sur un lycéen blasé de tout qui doit se débrouiller seul, « The Unforgiven », un drame militaire, et « Sunday Seoul », une compilation de 3 courts-métrages complètement tordus. La Chine est également bien représentée, d'un coté par « Grain in Ear », traitant d'un femme d'origine chinoise qui essaye d'élever son fils dans un petit village de campagne, et « The Silent Holy Stone », tourné totalement en tibétain, racontant l'histoire d'un petit Lama à l'approche de Noel. Concernant de Hong-Kong, c'est d'un côté « One summer With You », mélodrame sur l'ouverture de la Chine, et de l'autre, « The Shoe Fairy », co-production avec Taïwan sur une femme qui se fait opérer des pieds pour pouvoir marcher et devient obsédée par les chaussures. Enfin le Japon est représenté par « Big River », un Road Movie au travers des Etats-Unis mettant en scène un Japonais, un Pakistanais et une Américaine. De l'autre coté de l'Asie, deux productions iraniennes étaient là, « Poet of the Wastes » et « Writing on the Earth », et un film indien, « Reaching Silence ».

Resultat

Prix nouveaux courants : Grain in Ear - 30000 $
Premiere mention speciale : Silent Holy Stone
Deuxieme mention speciale : The Unforgiven
Prix FIPRESCI pour meilleur nouveau film asiatique : The Unforgiven
Prix NETPAC pour meilleur film coreen : The Unforgiven
PSB Audience Award (prix du public) : The Unforgiven (10000 $)
Woonpa Fund Award pour le meilleur documentaire : Tea & Poison
Sunje Fund Award pour meilleur court-metrage coreen : A Bowl of Tea

Panorama

Hors compétition, les films étaient classés en plusieurs catégories. Dans « Korean Panorama », on retrouvait toute l'actualité des films coréens sortis ces derniers mois, mais aussi de nombreuses avant-premières. Parmi celles-ci, « Love is Crazy Thing », drame d'une femme servant comme call girl pour une agence, « Love Talk », racontant les relations de quelques coréens à Los Angeles, « Silk Shoes », dans lequel un gangster engage un réalisateur de film pour faire croire à son père qu'il va aller voir sa famille en Corée du Sud, ou encore « Way to Go, Rose », une comédie sur le mariage et le divorce. Ainsi, contrairement aux nouveaux courants, on peut être assez décu d'un manque de diversité au niveau des genre ; cependant même si les films atteignent rarement un haut niveau d'excellence, on évite tout même de gros ratés.

Autre sélection; « A Window on Asian Cinema » réunit le même genre de film que « Korean Panorama », à la différence qu'il présente des films de toute l'Asie, sauf la Corée. Cette sélection, à l'instar de la compétition « New Currents », se veut être le reflet de la vivacité du cinéma asiatique. Dans ce groupe se trouvait « Be With Me » (Singapour), trois histoires sur les thèmes de l'amour, l'espoir et le destin, « Dam Street » (Chine), racontant la vie d'une fille de 16 ans forcée de faire adopter son enfant, l'attendu « Everlasting Regrets » (HK), l'histoire d'une femme de Shanghai touchant à la gloire puis à la chute lors de la révolution culturelle, et également « The Myth », fort de la présence de Jackie Chan et Kim Hee-Sun au festival. Autre film attendu, l'histoire de fantôme japonais « Loft », mais aussi le complètement déjanté « Hold Up Down » et le délire psychologique « Strange Circus ». Plus modeste, le film chinois « Mongolian Ping Pong » parle d'enfants mongols cherchant le secret d'un balle de Ping Pong. La Thaïlande apporte aussi son lot avec entre autres « The Tin Mine », la biographie de Archin Panabhan, envoyé dans une mine par son père au lieu d'aller à l'université. Enfin, « Princess Racoon » a fait escale à Pusan et son réalisateur Seijun Suzuki, malgré sa maladie, est venu au PIFF Square pour poser son empreinte sur Nampodong Street.

Dans un choix plus large, la section « Wide Angle » diffuse une sélection de documentaires et de courts-métrages d'une grande diversité. Le projet « Independant Film Maker's Project to Abolish the National Security Law » rassemble 6 courts-métrages de réalisateurs coréens différents afin, comme son nom l'indique, de dénoncer l'inutilité de la loi sur la sécurité nationale. Dans un tout autre registre, 8 réalisateurs chinois ont chacun fait un mini-film de 2 à 4 minutes pour la compilation « Focus : This Moment », où chaque film est comme une photographie d'un bref instant. Dans les documentaires, un coréen s'est lancé, avec son « Coréen 2495 », à la poursuite des raisons qui ont empêché la collection coréenne de la BNF de retourner en Corée malgré la promesse de Mitterand, pendant qu'un autre décrit ses longues nuits passées dans Seoul au volant de son taxi, dans « Taxi Blues ». Des films d'animations sont également de la partie dans la section, avec « The Book of the Dead », racontant l'histoire d'une Princesse japonaise obsédée par le bouddhisme, « Fire Ball », film d'aventure taïwanais, et le déjà connu « Mind Games ».

Programmes parallèles

Bien qu'ils ne fassent pas complètement partis du Festival International du Film de Pusan, le PPP (Pusan Promotion Plan) et l'AFA (Asian Film Academy) profitent de la semaine du festival pour se dérouler. Le PPP lancé en 1997, sert à réunir, pendant 3 jours, réalisateurs et producteurs afin que de nouveaux projets voient le jour. Cette année, le festival voit dans sa sélection de nombreux films issus du PPP des années précédentes, comme le film d'ouverture « Three Times » (2002), « Big River » (2004), « One Summer With You » (2001) ou encore « The Aggressives » (2003). Cette année, sur les 33 projets présentés, 8 ont été annoncés lors de la cérémonie de clotûre. La ville de Pusan a également récompensé les deux projets les plus prometteurs par un chèque de 20 millions de Wons, qui sont « Fairy Tale of a Picture Tree », de Lee Kwang-Mo et « Heartbreak Pavillon » de Thunska Pansittivorakul. Egalement récompensés, « Broken Piece of Mirror », de Hong Ki-Seon par le MBC Movie Award (10 millions) et « Opium Wars », de l'Afghan Siddiq Barmak, par le CineclickAsia Award (10 millions).

L'AFA, quand a elle, ouvre pour la première fois ses portes, dirigée par Hou Hsiao Hsien. Divisée en deux périodes de 15 jours, elle permet à de jeunes passionnés d'acquérir une expérience sous l'aile de réalisateurs renommés. Pendant les deux semaines précédents le festival, l'académie fait ses premières mains à Seoul puis se rend à Pusan, sur la durée du festival, pour la deuxième partie de l'apprentissage. Pour la première année, les étudiants se sont divisés en deux groupes, chacun réalisant un film de son coté. Le premier film, « International Film Festival », est dirigé sous la tutelle de Park Ki-Yeong et Yu Lik-Wai, et met en scène un réalisateur tibétain qui fait ses premiers à Pusan. Réalisé avec pour contrainte de tourner plusieurs scènes en public, il bénéficie d'une mise en scène sobre et de couleurs assez chaudes. Plutôt amusant dans l'ensemble, juste quelques déficiences au niveau du jeu. Le second métrage bénéficie quant à lui de la présence d'actrices professionnelles. Réalisé en collaboration avec Nonzee Nimibutr et Hwang Ki-Seok, « The Ceiling » parle d'une fille qui découvre une réseau de ventilation au dessus de son plafond et part explorer l'étage. Moins sujet à l'imprévu, ce court-métrage est plus précis et chaque plan est bien réfléchi. Les actrices sont manifestement expérimentées. Cela dit, la bizarrerie du final peu laisser un peu perplexe mais montre que le scénariste a fait travailler ses neurones.

Hommage à Lee Man-Hee

Le festival de Pusan, en la personne de Cho Young-Jung, a choisi de dédier la rétrospective à Lee Man-Hee, décédé en 1975. C'est ainsi que 10 films ont été choisis pour célébrer cet hommage, avec entre autre « Holiday », film sur la décadence et le désespoir diffusé pour la première fois car il avait été bloqué par le régime dès sa sortie, en 1968. On pouvait également voir des films sur la guerre, comme « 04:00-1950 », « Soldiers Without a Serial Number », et surtout « The Marines Who Didn't Come Home », une grande référence. Etaient également à Pusan « Black Hair », thriller noir où une femme doit vivre avec l'homme qui l'a violée, et « The Devil's Stairway », drame sur un chirurgien qui assassine l'infirmière avec qui il avait une aventure. Autre sujet intéressant : « Break the Chain », parlant de la colonisation japonaise mais de manière comique et volontairement caricaturale. On remarque tout au long de sa filmographie que certains acteurs reviennent régulièrement, ainsi que l'actrice principale de « Black Hair ». Pour parachever cette hommage, la fille de Lee Man-Hee, Lee Hye-Young (No Blood No Tears), est venue poser sa main sur Nampodong Street à la place de son père, laissant sa trace sur l'avenue des stars de Pusan.

Les raisons du succès du festival

C'est cette année le dixième anniversaire du festival de Pusan, et il a cette année encore acquis plus de notoriété et a vu ses spectateurs venir plus nombreux. En effet, cette semaine, le festival comptait 306 films de 73 pays et environ 200 000 tickets sur 31 écrans ont été vendus, soit 40 000 de plus que l'année dernière. Ainsi des personnalités du cinéma se sont posées la question des raisons de ce succès.

Parmi les raisons probables, on peut en noter quelques-unes plutôt prépondérantes. Tout d'abord, il y a le sentiment de lassitude envers le cinéma américain qui a peine à se renouveler ; ainsi le festival de Pusan ayant ouvert pour la première fois ses portes en 1996, coïncide avec la nouvelle vague de films coréens, libérés de la censure, apportant la nouveauté attendue par les spectateurs. A cette époque ce n'étaient que 107 films présentés à Nampodong, mais qui suffisaient aux fans pour rester toute la journée au cinéma pour voir non seulement les films coréens mais également des films du Moyen-Orient et d'Europe de l'Est.

De plus, les organisateurs ont choisi de libérer le festival de la compétition, mise à part pour la section mineure « nouveaux courant », ayant ainsi pour effet de s'affranchir de la comparaison avec les grands festivals comme Cannes, Berlin ou Venise. Dans cette optique, Thierry Fremaux, directeur artistique au Festival de Cannes, a déclaré que « les objectifs du PIFF ne pourraient être comme ceux de Cannes ou d'autres festivals. Je pense qu'il doit être unique et différent des autres. La chose la plus importante est de savoir ce que vous êtes et qui vous êtes. »

Le succès du festival est parallèle au succès du cinéma coréen en général. Sur les personnalités interrogées à propos de ce succès, toutes prêtent à penser qu'il est dû à une très grande créativité après l'abolition de la censure et l'ouverture du cinéma coréen. Mais les réalisateurs ne doivent pas se satisfaire de ce succès et toujours chercher à innover, trouver la créativité qui fait si bien marcher ce cinéma actuellement, au risque sinon de tourner en rond et de perdre l'intérêt du spectateur. De plus, les quotas imposés aux écrans coréens sont unanimement considérés comme une bonne chose ; il s'agit de défendre une culture qui passe par le cinéma. Jean-Jacques Annaud, interviewé lors du festival pense que « les Coréens devraient tendre à voir des films avec des acteurs coréens, des histoires et des sentiments coréens. Nous ne devrions pas être forcés de penser et s'habiller comme des américains ».

De même, Hubert Niogret, réalisateur du documentaire « Les renaissances du cinéma coréen », insiste sur les dangers qui entourent l'industrie du cinéma coréen, tant à cause des pressions américaines sur le système de quotas, mais aussi sur la structure capitaliste de l'industrie. En outre, il donne une approche culturelle à la situation : « Le danger vient de Hong-Kong et des USA. La Corée fait maintenant de gros films à spectacle. C'est bon mais n'oubliez pas ce que vous êtes, et n'oubliez pas votre identité coréenne. Les films sont l'expression de l'identité nationale. » Par ailleurs, il soutient également le système des quotas.

Finalement, le festival de Pusan progresse aisément grâce à des choix de programmation originaux et un public cherchant de la nouveauté, et doit également à son succès au cinéma coréen qui remonte rapidement la pente grâce à sa créativité et son savoir-faire. Mais les risques de chutes sont toujours présents et les Coréens devraient être enclins à plutôt puiser dans leur patrimoine culturel pour maintenir l'intérêt de ses spectateurs.

date
  • octobre 2005
crédits
Festivals