Les amants crucifiés...
Drôle de sentiment après la projection de
Kaidan. Nakata laisse ses fillettes aux cheveux gras de côté (encore que...) et ferme les robinets (encore que...) pour s'installer dans le Japon de l'ère féodale. Film en costume par excellence contant une histoire de fantômes et d'amours infidèles, il est ici question de vengeance et de ténacité sentimentale. Cette ténacité, on la doit à Oshiga, professeur de chant pour femmes délicates, qui succombe de ses blessures un beau soir alors que Shinkichi, celui pour lequel elle voue un amour impénétrable, tente de l'éviter pour aller faire sa vie avec Ohisa, une élève. Cette tromperie coûtera cher à Shinkichi car la femme confia avant de mourir qu'elle tuera toutes celles qui se mettront à l'aimer.
Kaidan, soyons clairs, n'a aucun rapport avec
l'oeuvre de Kobayashi si ce n'est que tous deux empruntent la même trame : une histoire de fantôme, agrémentée d'une narration d'un conteur. La ressemblance s'arrête donc là, car
Kaidan est un mélodrame camouflé en film d'épouvante et ne prétend à aucune véritable ambition formelle pour dynamiser son récit a contrario de Kobayashi. L'oeuvre de Nakata n'a d'ailleurs pas d'énorme projet artistique aussi bien en terme de visuel que de rebondissement puisque tout est codifié et très propre, peut-être même trop, là où Shimizu réussit à bousculer ses propres codes et Kurosawa Kiyoshi de faire montre d'un joli savoir faire en terme d'ambiance pure.
Car si ces derniers réussissent à nous faire croire à un projet invraisemblable, Nakata se sert de fameuses légendes spectrales pour arriver à leur cheville, ce qui en soit est une jolie tactique vu que le film aurait immédiatement baigné dans le cliché total s’il s'était déroulé dans une ambiance contemporaine. Si il ne surprend pas ou plus, Kaidan reste sérieux dans tous les domaines : mise en scène très contemplative donnant une belle définition au film en costume, musique de Kawai Kenji inspirée (tambours et clochettes prises chez Oshii, ambiance et violons typiques du cinéma de Nakata) et douce allégorie sur l'amour et la mort. Car lorsqu'il est question d'amour, la pourriture n'est pas loin. Quand il est question d'amour, la mort rôde. Et c'est justement parce que le spectateur est prévenu d'avance qu'il peut anticiper le film dans son entier : les apparitions d'Oshiga, si elles sont visuellement réussies, manquent de surprise. En revanche, la séquence entraînant la mort de cette dernière est une merveille de suspense et d'ambiance fantôme. Alors que Shinkichi pense être en la présence d'Oshiga, mourante et allongée dans une voiturette, cette dernière est en fait chez elle, morte depuis peu : le climax s'assombrit, Shinkichi ne comprend plus, jette un oeil dans la voiturette des palanquins, et effectivement cette dernière n'y est plus. C'est bien là que Nakata arrive à être efficace et surprenant, faire croire au spectateur que tout est blanc alors que derrière le miroir de la mort, tout est noir. Cette recette fonctionne durablement mais le film manque clairement de rythme et d'ambitions formelles pour convaincre : les teintes sont grises, la caméra est classique, les décors ne surprennent plus. Tout est poli, éclairé à la bougie, rythmé par les saisons et les tambours de Kawai, mais rien n'y fait, la magie ne fonctionne pas totalement et l'intrigue biss entre Shinkichi est la prostituée ne fait qu'alourdir un ensemble déjà trop fragile. Il y a bien cet affrontement barbare en fin de métrage et ce superbe plan final dans le marais, mais il ne fait plus peur. En définitive Kaidan doit être pris pour ce qu'il est réellement, un film d'épouvante mainstream à l'esthétique Sabu assez loin des glauques The Ring et Dark Water. Et pour les fans, pas d'Ayumi Hamasaki en lot de consollation, Fated pour promouvoir son nouveau single -réussi- n'a pas été retenu pour l'exploitation française.