Présentation générale de la série
Adaptée du manga à succès Lone Wolf and Cub de KOIKE Kazuo et KOJIMA Goseki, la série Baby Cart comporte 6 volets et s'étend de 1971 à 1974. Les 5 premiers ont d'ailleurs été scénarisés par KOIKE himself tandis que le spécialiste du jidaigeki MISUMI Kenji a réalisé 4 volets de la saga. Succès dans toute l'Asie en son temps, la série est à la fois l'une des plus célèbres de l'histoire du chambara et l'une des plus représentatives du cinéma populaire japonais du début des années 70. Produite par KATSU "Zatoichi" Shintaro avec son frère WAKAYAMA Tomisaburo dans le rôle titre, elle met en scène le personnage d'Ogami Itto, exécuteur du shogun victime d'un complot du clan Yagyu ayant entraîné la mort de sa femme qui refuse sa condamnation au Hara Kiri par le clan. Suite à ces evènements, il décide de suivre avec son fils Daigoro le chemin du déshonneur et de la vengeance. En plus de pousser à l'extrême la déshéroïsation du chambara entamée par le cinéma japonais des années 60, la série y ajoute le goût du grotesque et une exagération de la violence dans les combats: les geysers de sang déversés par litres par Ogami Itto au cours des 6 volets de la série forment sa plus célèbre signature. Cette route-là avait pourtant déjà été esquissée par le geyser de sang du combat final de Sanjuro de KUROSAWA, preuve de l'avance déjà prise par l'Empereur du cinéma mondial dans le renouveau du genre dès 1962.
Grotesque assumé, violence exagérée, figure d'antihéros mercenaire dénué de tout humanisme: la saga est le véritable cousin japonais de la vague de westerns spaghettis ayant déferlé sur la planète cinéphile dans la foulée du phénomène LEONE. A l'instar de bien des westerns produits alors à la Cinecitta (cf. entre autres La Brute, le colt et le karaté ou ce Blindman, le Justicier aveugle (1971) en forme de Zatoichi cow boy), la saga sacrifiera au crossover Occident/Orient: le troisième volet se conclura ainsi par une fusillade westernienne tandis que le dernier volet ne mégotera pas sur les clins d'oeil à James Bond. On pourrait dès lors y voir une "décadence" d'une genre alors en perte de vitesse : le film de sabre est alors de moins en moins rentable et la pénétration croissante de l'influence occidentale au Japon relègue la figure du samouraï au rang du folklore. Décadente, la série l'est finalement comme une bonne part du cinéma populaire nippon de son temps. La télévision recontre alors un succès croissant au détriment du cinéma et en réaction les studios produisent un cinéma d'exploitation pas avare en sexe et cruauté afin de rendre "captif" des salles un public jeune et masculin. Dans le 4ème volet, le personnage de tueuse glacée d'Oyuki n'aurait d'ailleurs pas dépareillé dans un Sasori ou un Lady Snowblood . L'alliage d'exagération et de propos politique explosif du 5ème volet n'est pas non plus sans faire écho au cinéma d'exploitation de l'époque. Le charme de la série est finalement d'avoir été au carrefour de tout un cinéma "impur" du début des années 70.
Le manga d'origine
Le manga d'orgine a été édité dans son intégralité par l'éditeur américain Dark Horse et est en cours d'édition en France par Panini/Generation Comics.
Présentation et critique par Astec du manga Lone Wolf and Cub
Portrait KOIKE Kazuo
Portrait KOJIMA Goseki
La saga en détail
Baby Cart I: Le Sabre de la Vengeance (1972):
Signé MISUMI, ce premier volet passe plus de temps à édifier le personnage d'Ogami Itto qu'à offrir du spectacle saignant rayon combats. Le contexte historique des rivalités claniques sous les Tokugawa est mentionné en détail. Ogami Itto y est posé comme une véritable figure de transgression synchrone des seventies débutantes tandis que le regard enfantin d'un Daigoro fasciné par les exactions de son si amoral père campé par le charismatique Wakayama Tomisaburo. Formellement, MISUMI alterne le plus souvent épure et gros zooms seventies et l'esthétique de la saga semble encore en rodage.
Baby Cart II: L'enfant Massacre (1972):
Toujours signé MISUMI, ce second volet déroule combats ne lésinant pas sur les geysers de sang, idées bricolées dignes du plus fou du cinéma du voisin hongkongais sur un scénario tenant sur un ticket de métro. Emballé de façon inspirée par la réalisation de MISUMI, il s'agit d'un de ces films donnant ses lettres de noblesse au mot série B et qui tranche sec, efficacement, sans aucune prétention inutile en une heure dix sept chrono. De plus, la volonté de se concentrer sur l'action évite à ce volet le problème récurrent de la saga: celui des ruptures de tons très brutales pas toujours bien gérées par mise en scène et montage. Le volet favori de Quentin TARANTINO, Frank MILLER également mentionné dans le spécial VHS des Cahiers du Cinéma.
Baby Cart III: Dans la Terre de L'Ombre (1972):
Une troisième contribution de MISUMI à la saga étoffant le personnage d'Ogami Itto. En mettant Ogami face à Kanbe, figure de samouraï déchu pour avoir voulu défendre son maître, ce volet souligne sa vision très particulière de la justice: non respectueux du bushido, Ogami va malgré tout accepter de se sacrifier pour sauver de la prostitution une femme qu'il ne connaît pas. a l'opposé, Kanbe incarne les samouraïs mélancoliques, humanistes, ayant perdu de leur superbe souvent vus dans les chambaras sixties. Mais sur la fin le film nous rappelle sa dimension exploitationniste avec son combat final/clin d'oeil au western parfaitement synchrone des tendances au crossover des cinémas populaires des années 70.
Baby Cart IV: L'âme d'un Père, le Coeur d'un Fils (1972):
Pour ce quatrième volet, MISUMI abandonne les commandes de la série à l'artisan SATO Buichi qui s'en sort correctement en tentant de respecter la charte visuelle de la série mise en place par MISUMI. Ce volet vaut d'abord le détour par son approfondissement de la relation Ogami Itto/Daigoro et un personnage d'Oyuki en forme de tueuse glacée qu'on croirait échappée d'un film d'exploitation vengeur de l'époque.
Baby Cart V: Territoire des Démons (1973):
MISUMI repasse derrière la caméra pour ce cinquième volet offant son lot de combats saignants mais également une saisissante scène du "sacrifice" de Daigoro se faisant fouetter pour ne pas trahir une voleuse. Vision de la façon dont le fils "respecte" ce que son père lui a transmis si subversive, si seventies... De même qu'il n'est pas anodin que cet épisode tourne autour de la mise à jour d'un secret menaçant pour le clan.
Baby Cart VI: Le Paradis Blanc de l'Enfer (1974):
Un ultime volet en forme de volet de trop. Misumi est remplacé par KURODA Yoshiyuki tandis que l'absence de KOIKE scénariste est plus que visible. Morts vivants, clins d'oeil à 007: avec ce délire ne menant nulle part et même pas jouissif, la série est à bout de souffle.
Massacre culte
En 1980, les deux premiers volets de la série sont remontés en un seul film pour le marché américain intitulé Shogun Assassin. Connu pour son doublage n'ayant rien à envier rayon "réécriture" des dialogues aux VHS René Chateau de classiques HK seventies, ce "massacre" contribuera beaucoup au statut culte de la série en Occident pour les cinéphages : dans Kill Bill Volume 2, The Bride et sa fille se remettent des émotions des retrouvailles en le regardant et le rapper GZA du Wu-Tang Clan a samplé des extraits de la piste sonore du film pour son album Liquid Swords produit par RZA.
La descendance d'Ogami
Si la saga cinéma s'arrête en 1974, ce ne fut pas la fin de l'exploitation du filon Ogami. Entre 1973 et 1976, uné série composée de 3 saisons de 26 épisodes chacune fut diffusée à la télévision japonaise. NAKAMURA Kinnosuke y jouait le rôle d'Ogami, rôle qu'il reprit dans une série du milieu des années 80 et de nombreux téléfilms. De 2002 à 2004, une nouvelle adaptation télévisée avec KITAOJI Kinya dans le rôle d'Ogami fut diffusée au Japon. Signalons également un téléfilm de 1979, Baby Cart in purgatory, avec TAKAHASHI Hideki dans le rôle d'Ogami et WAKAYAMA dans celui de Yagyu Retsudo, et le film Handful of Sand d'INOUE Akira datant de 1992. L'importance du personnage d'Ogami dans la pop culture asiatique et mondiale s'est aussi manifestée par des clins d'oeil au manga et à la série dans des séries télévisées animées japonaises (Samurai Champloo) comme américaines (Samurai Jack, Teenage Mutant Ninja Turtles). Sans parler des citations dans de nombreux jeux vidéo (Final Fantasy X, Puyo Pop Fever, Kung Fu Chaos/Panic), de l'adaptation jeu vidéo directe de 1987 de Nichibutsu sortie seulement au Japon et enfin d'une influence revendiquée du manga de Koike/Kojima sur le travail du maître de la BD Frank MILLER. L'adaptation de Lone Wolf and Cub fait d'ailleurs partie des projets du cinéaste américain Darren ARONOFSKY.
La série en DVD
La série a connu deux éditions en DVD en France: un coffret HK Vidéo regroupant les trois premiers volets, un autre coffret HK Vidéo regroupant les 3 suivants et un coffret Wild Side contenant toute la saga. Ce dernier éditeur les a depuis sortis séparément à prix d'ami. Shogun Assassin est lui sorti en zone 1 chez Animeigo.
Coffret Baby Cart HK Vidéo Volume 1
Coffret Baby Cart HK Vidéo Volume 2
Coffret Baby Cart Wild Side
Source "Massacre culte" et "La Descendance d'Ogami": En.wikipedia.org