Interview Ekin Cheng


Ekin Cheng n'est sûrement pas le plus talentueux des acteurs Hong-Kongais, mais il a été une des figures importantes de la période de crise, et se révèle être au quotidien d'une gentillesse et d'une simplicité confondantes. Voici la transcription d'un entretien très relax entre François, Vivian, Ekin et Sandy, son agent.
De TVB à Young and Dangerous
Perdre son image d' "idol"
Ses derniers films
Questions diverses sur le cinéma de HK et sa carrière


De TVB à Young and Dangerous
  François : Comment se sont passés les cours à TVB?
  Ekin : Ce n'était rien de particulier en fait.... Vous voulez dire les cours d'art dramatique? J'y ai été deux fois en fait (sourire)
  François : Vous avez donc appris au fur et à mesure, sur les tournages ?
  Ekin: Oui, tout à fait, jour après jour.
  François : Et est-ce sur le tournage de Mean Street Story que vous avez rencontré Andrew Lau? Pouvez-vous nous en dire plus sur votre relation?
 

Ekin: Non, en fait je l'ai rencontré après avoir travaillé sur TVB. Andrew était caméraman pour plusieurs films à cette époque. Il plaisantait en me demandant d'être son acteur principal le jour où il deviendrait réalisateur. Plus tard, il l'est vraiment devenu, et il m'a vraiment demandé de jouer dans son film.

  Vivian: c'était bien pour Mean Street Story?
  Ekin: Oui, c'était ma première collaboration avec lui.
  François : Donc en fait, votre succès, c'est une histoire d'amitié?
 

Ekin: Oui. Il débutait à l'époque, et moi aussi. Nous pouvions ainsi partager des idées. C'est comme ça que notre amitié est née. On est voisins maintenant (rires).

  François : Young and Dangerous vous a rendu célèbre. Que pensez-vous du personnage que vous avez joué maintenant?
  Ekin: Je ne voulais pas accepter ce rôle au tout début. Je l'ai fait à cause de contraintes dans mon contrat (rires).
  François : Pourquoi vous ne l'aimiez pas? Certaines personnes trouvent que la série a eu une mauvaise influence sur les jeunes. Est-ce à cause de ça?
  Ekin: Je n'aimais pas vraiment la violence des films en fait, et je ne voulais pas jouer dans un film de triades. Cependant, ce film m'a rendu célèbre, même à New York des gens me reconnaissent grâce à cette série. Je pense que c'est un cadeau de Dieu maintenant.
  François : Quels films préfèrez-vous dans la série?
  Ekin: Les trois premiers sont ceux que je préfère.
  François: Plus généralement, dans les films écrits par Manfred Wong, votre petite amie meurt. Comment vous prépariez vous pour ces scènes? De la même manière à chaque fois, ou bien en apportant des variations?
 

Ekin : (rires) Ca dépend comment elle meurt. Si à ce moment là nous sommes encore très amoureux, alors je jouerais de manière bien plus triste.

Perdre son image d' "idol"
  François: Vous mourrez à la fin de “Good bye Mr. Cool”. Etait-ce une façon pour vous de mettre fin à votre image de “Young and Dangerous”, celle d'un héros invicible?
 

Ekin: J'ai bien aimé le scénario au départ. Je n'avais pas vraiment d'imposer quoi que ce soit en faisant ce film. Mais je voulais tout de même changer un peu mon image, je voulais montrer un visage plus humain.

  François : Comme avec Running out of Time 2? L'annonce de votre arrivée en remplacement d'Andy Lau a déçu beaucoup de personnes, mais finalement vous avez surpris avec une interprétation décontractée et plaisante. Ce film a-t-il changé quelque chose pour vous?
  Ekin: Je gagne simplement en maturité, grâce à l'expérience, celle de la vie de tous les jours. Mes expériences personnelles m'ont permis d'apporter quelque chose à mon jeu dans le film.
  François : Le personnage du film est proche de votre vrai caractère?
  Ekin: Non non! (sourires)
  François : Ca s'est passé comment avec Lau Ching-Wan sur le tournage ? C'était plaisant?
  Ekin: Oui, Ching-Wan est mon sifu (maître), je le connaissais déjà quand nous étions tous les deux à TVB. Il m'a appris plusieurs trucs pour développer mon jeu d'acteur. C'est un peu comme un grand frère.
  François: Vous avez apprécié la poursuite en vélo avec lui dans le film ? Pour une fois que ça n'est pas basé que sur les effets spéciaux et les explosions...
  Ekin: J'aime jouer avec des émotions. Cela donne un tout autre résultat. Pour Young and Dangerous, nous avons adapté une bande dessinée, le personnage est jeune et impassible. J'avais juste à suivre son image, j'ai copié le visage à partir de la BD. Pour Running out of Time 2, Johnnie To m'a demandé de fusionner avec le personnage, et d'y mettre plus de mon humanité, ma sensibilité, de mon vrai caractère.
  François : Depuis ce film, vous jouez justement des personnages plus humains et sympathiques. Ne pensez-vous pas que ce film est un tournant dans votre carrière?
 

Ekin: Vous savez, les stars à Hong Kong s'occupent principalement de leur physique au début, mais le public finit par s'en lasser et demande un peu de nouveauté. Les gens veulent être surpris. Il faut alors leur montrer autre chose qu'une belle gueule, et qu'on sait aussi jouer. J'ai dû attendre pour pouvoir le faire, les acteurs sont assez passifs à Hong Kong, nous attendons toujours que quelqu'un nous propose quelque chose avant de la faire.

  François : Avez-vous peur que le public rejette cette nouvelle image et préfère un retour à votre image d' "idol" de Young and Dangerous?
  Ekin: Je pense que c'est un challenge. Je veux établir une nouvelle image qui puisse avoir le même impact que celle desYoung and Dangerous.
Ses derniers films
 

François : Dans My Wife Is 18, vous jouez un personnage qui n'est pas du tout à l'aise avec les femmes, ce qui est à l'opposé de votre image habituelle de playboy. Avez-vous choisi ce rôle, ou bien vous l'a-t-on proposé?

  Ekin: Je suis vraiment très heureux d'avoir eu l'opportunité de jouer ce genre de rôle. C'est le scénariste qui m'a proposé de le faire en fait. Cela m'a semblé risqué, mais intéressant. Cela montre que je peux jouer des rôles différents finalement.
  François : Donc vous n'avez même pas eu à convaincre le scénariste de vous choisir pour le rôle?
  Sandy: Non, le scénariste voulait mettre Ekin au défi en lui demandant de jouer un personnage à l'opposé de ce qu'il fait d'habitude.
  François : Vous avez joué avec l'autre Twins aussi, Gillian, dans Twins Effect peu après. Que pensez-vous d'elles?
 
 

Ekin: Très embêtante et pénibles (rires). Elles n'arrêtent pas de parler et parler, et elles adorent se taquiner.

  Sandy: Ekin aime bien se moquer d'elles et dire qu'elles sont un peu grosses. Habituellement, elles contre-attaquent en lui disant qu'il n'aime que les filles très grandes et très minces comme Gigi.
  Ekin: Oui, les Twins, c'est des ennuis! (rires)
  François: Heroic Duo est un film d'action, mais on y joue aussi beaucoup avec les émotions, comme lors du final où vous affrontez Francis Ng par exemple. Etiez-vous intéressé par ce genre d'approche?
  Ekin: Je pense que je dois saluer le réalisateur parce qu'il ne m'a pas considéré comme les autres personnes l'ont fait auparavant, càd comme un héros austère et idiot. Donc je dois vraiment le remercier.
  François : Etait-ce vraiment son but initial de faire un film d'action plus humain que d'habitude?
  Ekin: Benny Chan n'était pas catholique auparavant, mais il l'est devenu maintenant. Avant, il aimait à inventer des personnes peu réalistes. Or maintenant, il met plus d'humanité dans ses films.
  François : Et pour la poursuite sur les toits? Vous sembliez plus à l'aise que Raymond Wong Ho Yin pour grimper sur l'échelle. Mais était-ce vraiment si facile pour vous?
  Ekin: Non pas du tout! A Hong Kong, il y a une culture du cinéma d'action, donc j'ai pensé que si je pouvais le faire sans doublure, ma performance en serait valorisée. De plus j'aime me pousser à faire des choses difficiles. Donc je l'ai fait.
  François : Autre film, autre genre, Floating Landscape. Votre personnage est important pour le récit, même s'il n'a pas beaucoup de temps à l'écran. Sa voix est particulièrement importante. Avez-vous travaillé dessus?
  Sandy: Certaines personnes après la première du film ont même dit qu'Ekin était le fantôme dans le film (rires)
  Ekin: J'ai attendu longtemps pour avoir une opportunité artistique comme celle-ci, celle d'utiliser ce que j'avais appris à TVB. Je n'ai pas travaillé particulièrement sur ma voix pour le film, c'est quelque chose qu'on exerce déjà tous les jours. L'année dernière, j'ai aidé une station de radio pour une campagne de publicité contre le tabac, en tournant dans un court métrage, et c'est comme ça que j'ai rencontré Stanley Kwan. Il m'a encouragé à réaliser moi-même un court. Au fur et à mesure, nous avons commencé à mieux nous connaître, et il m'a donc demandé de participer à Floating Landscape.
  Francois: Etes-vous prêt à faire d'autres films comme celui-ci, même si c'est moins payé? (Sandy s'esclaffe)
  Ekin: Ca dépend principalement du scénario.
  François: Plus récemment, vous jouez un nouveau personnage assez passif dans Anna in Kung-fu Land, avec Miriam Yeung. Les hommes sont d'habitude ceux qui mènent la danse dans les films Hong Kongais, mais récemment les personnages féminins mènent souvent les hommes par le bout du nez. Que pensez-vous de cette évolution?
  Ekin: Quand l'économie n'est pas bonne, les hommes deviennent plus rationnels mais les femmes restent irrationnelles. Donc quand l'économie à Hong Kong ira mieux, peut-être que cette mode s'inversera et qu'on reviendra à la situation normale (rires)
  Sandy: Auparavant, à l'époque de mes parents, mon père achetait les places de cinéma, et demandait à ma mère d'y aller avec lui. Mais maintenant, ce sont les femmes qui achètent les places, et qui demandent à leur petit ami de venir avec elles. Ce sont les femmes qui décident maintenant (rires).
  François: Et sur quoi travaillez-vous ensuite?
  Ekin: Un autre film avec les Twins... Je prévois donc beaucoup d'ennuis pour le mois prochain (rires).
Questions diverses sur le cinéma de HK et sa carrière
  François : Quel est le personnage que vous rêvez d'interpréter?
  Ekin: Je pense qu'il faudrait que je sois réalisateur pour ça... J'aimerais faire un film de science-fiction romantique, avec beaucoup d'effets spéciaux. Les histoires d'amour irréalistes sont toujours les plus touchantes.
  François: En parlant d'effets spéciaux, vous avez beaucoup jouez avec des écrans bleus. Est-ce facile?
  Ekin: C'est ce qu'il y a de plus difficile. Mais hélas je n'ai jamais reçu aucune récompense pour le travail accompli dans ces films (sourire). J'apprécie cependant beaucoup de jouer devant ces écrans car j'ai beaucoup d'imagination. C'est effectivement un challenge pour un acteur.
  François : Vous avez souvent joué avec les mêmes acteurs, comme Jordan Chan, ou Cecilia Cheung. N'avez-vous pas peur de vous répéter en travaillant avec les mêmes personnes tout le temps?
  Ekin: Non, c'était un défi de jouer avec eux à chaque fois, au contraire. Mais maintenant, j'ai arrêté. Si l'on travaille tout le temps ensemble, sur des films de genres différents, et qu'on réussit à être toujours bons, c'est déjà une réussite. Mais si nous pouvons, comme maintenant, arrêter de travailler ensemble, et participer à des projets différents chacun de notre côté, alors c'est encore mieux. Car nous pouvons ensuite retravailler ensemble et partager nos expériences.
  François : Sont-ils également de bons amis dans la vie de tous les jours?
  Ekin: Cecilia non, ce n'est pas une amie personnelle! (rires) C'est plutôt comme une petite soeur. Jordan, c'est différent, nous sommes de bons amis, mais nous ne nous contactons pas. On parle seulement lorsqu'on se rencontre. C'est comme dans l'ancient temps vous savez, quand deux chevaliers se retrouvent par accident, on se lance des répliques du style "Hé! Tu es toujours vivant!".
 
Ekin parle de ses actrices favorites
  François : Est-ce que vous prévoyez de réunir toutes vos chansons de films dans un CD, comme Sammi Cheng l'a fait?
  Ekin: Je l'ai fait, chez BMG, il y a quelques années. L'album s'appelle Ekin 13.
 

François : C'est une question d'un ami en fait c'est un fan, il a vu presque tous vos films (<-- tentative assez minable du webmaster pour rejeter la faute de la question râtée sur Alain)

Est-ce que vous avez reçu un entraînement particulier à TVB pour les scènes d'action?

  Ekin: A TVB, j'ai surtout fait des séries dramatiques en costume qui ont été vendues à l'étranger. C'est là que j'ai tout appris. Mais pour les films d'action récents, je n'ai pas reçu de formation particulière à chaque fois, j'ai juste appris pendant le tournage, jour après jour.
  François : Est-ce que je peux poser quelques questions sur Gigi?
  Sandy: Oui, tu peux essayer (rires)
  François : Beaucoup de personnes trouvaient que vous n'étiez pas bon acteur, et que Gigi n'était pas bonne actrice. Vous avez fait à peu près au même moment Running out of Time 2, et elle a été nominée comme meilleur second rôle féminin pour A War Named Desire. Bref, vous vous êtes améliorés en même temps. Est-ce que votre relation a eu une influence positive sur votre carrière?
  Ekin : A Hong Kong, c'est en fait très pénible pour un acteur et une actrice de sortir ensemble, car la presse n'arrête pas de les pourchasser. En vérité, le fait que nous ayons à affronter ça ensemble tous les jours nous a aidé à nous améliorer dans notre carrière, oui.
  François : Que pensez-vous de sa carrière?
  Ekin: Le principal souci pour elle, c'est qu'elle est trop grande, c'est difficile de trouver un acteur à mettre en face !
  Sandy: Mise à part ce handicap physique, elle est parfaite. Andy Lau est trop petit pour elle... Il n'y a guère que Takeshi Kaneshiro qui soit assez grand pour elle. Mais disons que c'est un problème mineur pour l'industrie du cinéma Hong Kong (rires).
  François : Et que pensez vous de l'évolution du cinéma de Hong Kong depuis le début de la crise, en 1995? La situation s'améliore, mais très lentement.
  Ekin: Quand j'ai débuté ma carrière dans le cinéma, c'était déjà la crise. Mais la vie doit continuer, je fais simplement mon travail, et j'essaye de durer.
  Sandy: Le pire moment a vraiment été en 1995...
  François: Ou 1997 je pense.
  Ekin: Non, je ne suis pas d'accord, j'ai déjà pensé à tout ça, et il y a dix ans, le box office était déjà le même que maintenant.
  Sandy: Mais la véritable période morte pour l'industrie Hong Kongaise, ça a été 1995-1997, comme François l'a dit! Même à Taiwan et en Chine, c'était la même chose. On parle de Hong Kong seulement, mais à cette époque c'était vraiment mort partout.
  François : En parlant de la Chine justement, le marché s'ouvre aux films HK, mais vous n'avez pas peur de la censure?
  Ekin: Non, la situation s'améliore depuis quelques années en Chine.
  François : Comment voyez-vous le futur du cinéma de HK?
  Ekin: Il faut surtout avoir un bon scénario. Les ressources humaines sont également essentielles. Le cinéma de Hong Kong est assez conservateur, alors que les films coréens sont plus créatifs et osent tenter des choses nouvelles.
  Sandy: Ils osent essayer des scénarios novateurs. Alors que l'industrie HK est très conservatrice, et les réalisateurs sont très prudents, ils préfèrent toujours suivre les modes et utiliser des acteurs populaires.
  François: Et votre carrière personnelle, comment l'envisagez-vous maintenant?
  Ekin: Le niveau 1 est terminé maintenant. J'en suis au niveau 2, mais je ne sais pas combien il y a aura de niveaux en fait. Un voyant chinois m'a dit que je travaillerai jusqu'à 60 ans. Peut-être que je le ferai. Peut-être qu'un jour je pourrai être le nouveau Sean Connery! (rires)
  François: Merci!
  Ekin: Merci à vous!

Tous nos remerciements à Koris, Sandy et Ekin Cheng pour leur aide, leur gentillesse et leur disponibilité.

date
  • October 2003
credits
Interviews


community