  
                  "Je suis venu au festival de Pusan il y a quelques années 
                  avec le secret espoir de rencontrer Takeshi Kitano, c'est ma 
                  deuxième visite dans cette ville. 
                  Que mon film ait été sélectionné représentait déjà beaucoup 
                  pour moi mais ce prix dépasse meZs espérances.."  
                   
                  C’est en ces termes que Yi Yoon-Ki s’est presque excuser de 
                  recevoir le prix "New currents" du neuvième festival de Pusan. 
                  Au dire Sergey Lavrentiev, le président du jury, "Yoja, Jeong-hye" 
                  aurait pourtant fait l’unanimité devant des films comme "My 
                  Génération" de Noh Dong-seok ou encore ‘Survive 
                  Style 5+’ de Gen Sekiguchi dans ce qui constitue l'unique 
                  compétition du festival. 
                 Yi Yoon-ki n'y croirait c'est vrai pas beaucoup, il avait même 
                  déserté la croisette pusanite, son multiplexe et ses hôtels 
                  de luxe, revenant précipitamment pour la cérémonie de clôture. 
                  ‘Je me suis refugié en face, au Japon....j’aime beaucoup 
                  le saké’ nous a-t-il confessé laconique. 
              Mais c'était compter sans notre tenacité...   | 
             
             
              D'abord, toutes nos félicitations pour 
                le prix "New Current". 
                "Yoja, Jeong-hye" est votre premier long métrage aussi 
                on sait très peu de chose sur vous, pourriez-vous nous décrire 
                votre parcours ?  | 
             
             
              |    Je n'ai aucune formation en cinéma à 
                  l'origine, j'ai fait toutes sortes de petits boulots sur les 
                  plateaux de tournage, au début c'etait des petits boulots à 
                  mi-temps presque pas payés et puis petit à petit je suis devenu 
                  assistant. J'ai appris comme ça .  
                  En parallèle, j'écrivais des scenarii avec l'espoir de pouvoir 
                  un jour réaliser mon propre film. Il y a 6 ans environ l'un 
                  d'eux, "Love in our Age", a été reçu à un concours, ça 
                  a donné un court métrage, primé ensuite au festival du court 
                  de Séoul. Le festival a maintenant disparu mais il a beaucoup 
                  contribué à me faire connaître. Reste que j'ai continué à travailler 
                  comme assistant sur des films, des clips vidéo, je me suis tourné 
                  aussi vers la production.  
                  J'ai écris "Yojan Jeong-hye" il y a deux ans, c'est une histoire 
                  qui me tenait particulièrement à cœur et que j'attendais de 
                  pourvoir réaliser moi-même...  
                  | 
             
             
              | "Yoja Jeong-hye" est produit par 
                LJ Film qui 
                est à l'origine de certains films de Kim Ki-Duk et qui présente 
                aussi "Scarlet 
                Letter" au PiFF-c'est dire que cette société est sans 
                doute plus sensible au cinéma d'auteur. Est-ce que le projet du 
                film a été difficile à soutenir auprès des producteurs coréens? 
                 | 
             
             
              |   Oui, même si en apparence l'industrie 
                  cinématographique se porte bien en Corée, il y a très peu d'espace 
                  pour ce type de films, "Yoja, Jeong-hye" est resté longtemps 
                  à l'état de projet. De faite, c'est un scénario compliqué à 
                  tourner, il ne raconte pas une histoire linéaire; il était aussi 
                  impératif pour moi de pouvoir le mener à bien en restant le 
                  maître. 
                  J'ai d'ailleurs commencé le film de façon indépendante, avec 
                  ma propre société de production et puis la préparation s'éternisait, 
                  je me suis retrouvé au pied du mur…. j'ai alors soumis le projet 
                  du film à LJ Film qui a accepté de m'aider, c'est devenu une 
                  co-production, avec ce que ça suppose de contraintes et de compromis... 
                  Ce qui veut dire que tout est n'est pas devenu subitement très 
                  simple; même avec leur soutien, ce film, c'était une véritable 
                  aventure, les conditions de tournage étaient vraiment très difficiles 
                  et les assistants ont dû supporter de très grosses pressions; 
                  nous sommes tous sortis complètement vidés de ce film.   | 
             
             
              |  
                 Votre film s'inspire d'un petit roman "Jeong-hye" au 
                  titre duquel vous avez simplement adjoint 'yoja': une 
                  femme. cette (re-)affirmation était pour vous nécessaire ?   | 
             
             
              |   Jeong-hye est un prénom très commun en 
                  Corée, très solide, j'ai simplement voulu adoucir un peu le 
                  titre qui me paraissait trop brutal, trop monolithique.  
                  Ça peut peut-être fonctionner comme une proposition de départ 
                  mais je voulais aussi rapprocher le spectateur de Jeong-hye. 
                   
                  Voilà, " c'est un film où il y a une femme banale, son nom 
                  est Jeong-hye..." c'est doux et familier.   | 
             
             
              | Le titre en anglais est "This Charming 
                Girl", charming donne une impression de légèreté qui est pourtant 
                absente du film… d'autant que Jeong-hye tient à répéter son nom 
                à l'homme qu'elle rencontre... | 
             
             
              |   J'ai vécu un certain temps aux États-Unis 
                  et j'ai pris cette habitude de donner des titres anglais à tous 
                  mes scénarii. Je me souviens avoir vu un film "Charming..something 
                  ", ce titre m'avait plu, je l'ai simplement conservé. 'Charming', 
                  ça sonne bien, je trouve..  
                  Que le titre puisse paraître paradoxal ne me dérange pas du 
                  tout au contraire même, ici aussi c'est une manière d'abolir 
                  la distance avec le personnage, ça force le spectateur à se 
                  poser la question: "Cette fille banale, un peu disgracieuse, 
                  est-elle charmante? peut-être …"  
                  Jeong-hye provoque ce genre de réactions.   | 
              
               | 
             
             
                
                  
                    
                       
                          | 
                       
                       
                        |   Yi Yoon-Ki au bras 
                            d'une charmante jeune fille..  | 
                       
                    
                   
                  | 
             
             
              Le film décrit une jeune fille banale, 
                très lisse en apparence, dont on découvre petit à petit les blessures, 
                les marques. 
                Vous avez choisi dans le rôle de Jeong-hye, une 
                star de petit écran, Kim 
                Ji-soo(김지수) (cf.1) 
                qui véhicule sans doute une image plus âpretée, plus sophistiquée. 
                Etait-ce dans l'idée de l'utiliser presque à contre-emploi ?  | 
             
             
              |   Effectivement, Kim Ji-soo est une actrice 
                  très connue en Corée et pour le personnage de Jeong-hye c'est 
                  quelque chose de difficile à porter;   
                  non pas que Jeong-hye ne puisse être jolie ou séduisante mais 
                  ça pouvait être ennuyant qu'elle soit trop particulière, trop 
                  reconnaissable. 
                  Jeong-hye, c'est pas une fille qu'on remarque.  
                  Sur le tournage, nous avions adopté une phrase qui est devenue 
                  une espèce de plaisanterie: 'il faut détruire Kim Ji-soo!', 
                  mais la réalité, c'est que nous devions aller exactement dans 
                  le sens contraire de ce qu'elle représente pour le public coréen. 
                  Pour autant, il n'etait pas concevable d'enlaidir Kim Ji-soo 
                  artificiellement; je voulais avant tout que Jeong-hye reste 
                  naturelle, qu'elle soit attirante et repoussante à la fois. 
                   
                  Bien sûr, j'aurais souhaité que le personnage soit encore plus 
                  banal, plus anonyme mais nous ne pouvions pas aller trop loin 
                  avec l'actrice, nous lui avions demandé déjà beaucoup. Il a 
                  fallu trouver d'autres biais dans la réalisation, j'ai recherché 
                  des images imparfaites, une lumière brute, des angles de prise 
                  de vues parfois un peu ingrats. 
                  C'est important que le spectateur s'interroge sur Jeong-hye 
                  au delà de l'actrice.   | 
             
             
              | C'est aussi la première apparition de 
                Kim Ji-soo au cinéma, ce casting est un véritable pari pour vous 
                deux. Comment avez-vous dirigé Kim Ji-soo?  | 
             
             
              |   Il n'y a pas eu de véritable casting...je 
                  sais que c'est quelque chose qui peut surprendre mais il n'est 
                  pas rare qu'en Corée on doive choisir parmi certaines actrices 
                  en lien avec sa production. Ca ne veut pas dire que Kim Ji-soo 
                  m'ait été imposée mais sa présence participait pour beaucoup 
                  à la réussite commerciale du film en Corée. Ca correspond à 
                  un impératif économique, le budget et le temps consacrés au 
                  tournage étaient déjà si restreints...il y avait des risques 
                  que je ne pouvais simplement pas de permettre de prendre sur 
                  ce film. 
                  Je suis un peu désolé pour Kim Ji-soo mais j'aurais certainement 
                  pu trouver une actrice moins connue correspondant bien mieux 
                  à ce rôle; ça m'aurait sans doute laissé plus de liberté ailleurs. 
                  L'actrice Kim Ji-soo est trop éloignée du personnage.  
                  Il faut cependant lui reconnaître un certain courage parce qu'elle 
                  a su se remettre en cause et abandonner certaines attitudes 
                  propres à la télévision; probable aussi que ce courage lui vienne 
                  de sa longue carrière à la télévision...  
                  Nous avons eu énormément de conversations avant le tournage, 
                  il lui a fallu beaucoup de temps pour parvenir à composer le 
                  personnage mais elle a su rester fidèle à l'idée que je me fais 
                  de Jeong-hye. 
                  Par contre, je ne donne jamais de directives précises au moment 
                  de tourner, ça reste des indications très abstraites: 'là, Jeong-hye 
                  est dans cet état'... je considère qu'au moment de la prise 
                  il n'y a jamais d'autre choix que de laisser faire l'actice. 
                  | 
             
             
                
                  
                    
                       
                          | 
                       
                       
                        |   Jeong-hye et son 
                            chat  | 
                       
                    
                   
                  | 
             
             
               Jeong-hye est une personne solitaire, 
                effacée, elle est capable d'actes qui peuvent paraître illogiques 
                mais qui sont aussi courageux. 
                Comment décririez-vous Jeong-hye? Est-elle en attente de quelque 
                chose? 
                 | 
             
             
              |   Jeong-hye porte en elle 
                  certaines blessures, il y a celles qu'on découvre dans le film: 
                  elle a été violée dans son enfance par un proche, elle a perdu 
                  sa mère récemment mais les choses sont beaucoup plus complexes 
                  et imbriquées, ce caractère étrange, les difficultés qu'elle 
                  rencontre ne tiennent pas à ses seules blessures. Sa tante nous 
                  donne dans le film un début d'explication: 'toute petite déjà, 
                  elle était bizarre..'.Il y a quelque chose de névrotique chez 
                  Jeong-hye. 
                  J'ai rencontré plusieurs psychologues en travaillant le personnage 
                  de Jeong-hye, son état correspond effectivement à une pathologie 
                  particulière. Dans un autre pays, on donnerait un nom à cette 
                  maladie, on traitait cela par la thérapie mais en Corée, Jeong-hye 
                  est juste une petite fille timide et en grandissant cette fille 
                  timide devient transparente. On se fout qu'elle mange, qu'elle 
                  boive, qu'elle fréquente des garçons, elle est juste insignifiante. 
                   
                  D'après ces psychologues, beaucoup de personnes en Corée seraient 
                  dans le cas Jeong-hye, comme dans une sourde dépression, une 
                  dépression moderne en quelque sorte. La société coréenne est 
                  très violente, peut-être plus encore pour ces gens dont on ne 
                  s'aperçoit même pas de l'existence. Ils sont comme " des pierres 
                  dans la rue qu'on peut frapper du pied "(cf.2), 
                  on peut les blesser sans s'en rendre compte, ça n'a aucune importance. 
                  On les trouve de partout, ils hantent les bureaux de poste, 
                  les supermarchés, comme Jeong-hye, il essaient de trouver une 
                  façon de vivre et se heurtent au monde, on se moque d'eux alors 
                  ils se cachent ou font des actes insensés.  
                 Ce film, c'est aussi un acte de compassion pour ces gens-là 
                  à travers Jeong-hye. Et encore Jeong-hye ne cherche pas à se 
                  cacher, elle est curieuse du monde, elle aimerait se rapprocher 
                  de quelqu'un mais elle ne sait pas vraiment comment s'y prendre, 
                  elle n'arrive même pas à parler, peut être qu'elle est trop 
                  pure..on ne guérit pas aussi facilement.  
               | 
             
             
              |  Quand cet homme ne vient pas au rendez-vous 
                qu'elle lui avait donné, Jeong-hye fait comme si rien ne c'était 
                passé, est-ce par détachement ou plutôt qu'elle ressente son état 
                comme une fatalité ? | 
             
             
              Ça ressemble à de la fatalité mais Jeong-hye 
                ne se perçoit pas comme quelqu'un de triste ou de désemparé, elle 
                n'éprouve pas de tristesse particulière. En faite c'est quelqu'un 
                de plutôt actif, elle a bien conscience de sa propre solitude 
                mais elle veut d'abord éviter tout ce qui pourrait la blesser, 
                elle a simplement peur des autres et du monde qui l'entoure.  
                Ces situations arrivent à tout le monde -un rendez-vous manqué, 
                quelqu'un qui vous traite avec mépris ou indifférence- mais Jeong-hye 
                est incapable de les dépasser, elle ne veut pas y faire face, 
                elle préfère accepter ces situations plutôt que de chercher à 
                les résoudre, elle se réfugie alors dans la solitude, le silence 
                de son appartement. C'est sa manière d'être, elle est comme ça 
                depuis l'enfance..Là où la plupart des gens réagiraient violemment, 
                exprimeraient leur peine ou leur joie, Jeong-hye ne réagit pas, 
                ne montre rien….elle n'a simplement pas l'habitude de ces sentiments 
                excessifs. Ils lui font peur.  | 
             
             
              |  La caméra est souvent portée à l'épaule 
                dans le film et elle semble entretenir une relation particulière 
                avec le personnage, à la fois très intime, il y a des plans sur 
                Jeong-hye qui sont très sensuels presque maternels, et parfois 
                cette même caméra semble l'abandonner, quand elle se blesse ou 
                alors quand elle cherche à s'ouvrir aux autres…  | 
             
             
               L'utilisation de la caméra à l'épaule ne 
                résulte pas d'un parti pris spécifique d'autant que je n'aime 
                pas particulièrement une image trop changeante, trop instable. 
                A vrai dire, les conditions imposées par la production étaient 
                telles que je ne pouvais pas me mettre le luxe d'un tournage surdécoupé 
                mais la certitude que j'avais en écrivant le scénario, c'est que 
                la caméra devait épouser totalement le sentiment du personnage. 
                 
                J'ai adopté la posture suivante: à supposer que je sois un spectateur 
                et que Jeong-hye soit une amie à moi, comment pourrais-je me comporter 
                vis à vis d'elle, quelles réactions provoquerait-elle chez moi 
                ? Je pourrais avoir envie de la caresser et aussi envie de la 
                bousculer ou de l'éviter. Je pourrais comprendre ses blessures 
                et ses peines mais de toute façon je pourrais rien y changer, 
                je resterais impuissant. 
                C'est cette impression que je voulais communiquer au spectateur, 
                qu'il prenne le même chemin que moi, qu'on soit ensemble les spectateurs 
                de Jeong-hye. L'utilisation de la caméra à l'épaule correspond 
                tout à fait à cela. 
                Jeong-hye est une personne que je connais très bien ; je ne peux 
                certainement pas la consoler et je ne peux pas non plus l'éviter, 
                ni m'enfuir.  
                Dans l'amitié, il y a peut-être souvent cette ambiguïté, ce sentiment 
                mélangé d'attirance et de répulsion et c'est ce mouvement que 
                j'ai voulu imprimer à la caméra.  | 
             
             
                
                  
                    
                       
                          | 
                       
                       
                        |   Leur rencontre..  | 
                       
                    
                   
                  | 
             
           Nous sommes de plus en plus proches de Jeong-hye 
            dans le film, elle finit par occuper tout l'espace du champ et curieusement 
            alors qu'elle retouve enfin cet homme de la poste, elle vient une 
            nouvelle fois se heurter aux bords du cadre....  | 
          
           
             Ca participe toujours de cette même dynamique, 
              la caméra proche de Jeong-hye auparavant se recule sur ces deux 
              personnages. Il y a cette distance incompressible entre deux personnages 
              qui n'arrivent pas à se rapprocher.  
              C'est le problème de Jeong-hye mais aussi c'est celui des hommes. 
              En faite les hommes qu'elle rencontre lui ressemblent beaucoup, 
              le monde qui entoure Jeong-hye est un peu à son image. 
              C'est leur ressemblance qui est à l'origine de leur rencontre mais 
              aussi du fait qu'ils n'arrivent pas à se rapprocher. Si vous vous 
              souvenez de la première fois où Jeong-hye va vers cet homme, elle 
              l'invite chez elle à venir voir son chat, c'est sorti comme ça, 
              comme si Jeong-hye avait voulu effacer d'un coup la distance entre 
              eux mais cette proposition est totalement maladroite, elle devrait 
              même paraître inquiétante pour cet homme et pourtant lui, il accepte 
              l'invitation. Finalement, il n'est pas bien éloigné de Jeong-hye. 
               
              Ce film raconte l'histoire du point de vue de Jeong-hye, mais si 
              j'avais pris le parti des hommes ça aurait été exactement le même 
              chose, il y a une espèce de symétrie. 
              Aussi, les effets que les autres peuvent avoir sur Jeong-hye m'intéressent 
              moins que la façon dont elle se découvre elle-même à leur contact. 
              Elle vit des choses, elle s'ouvre au monde.  
              Le film finit sur cette rencontre, peut-être que Jeong-hye essaie 
              de réconcilier avec une autre Jeong-hye.  | 
            
            |  Les objets servent beaucoup à la narration 
              du film, ils révèlent petit à petit Jeong-hye au spectateur. Ces 
              objets paraissent même revêtir certains enjeux pour Jeong-hye, c'est 
              particulièrement explicite dans cette scène où elle tente de s'acheter 
              de nouvelles sandales…  | 
           
           
             J'ai conservé cette structure du roman. Cette 
              scène dans le magasin de chaussure existe aussi dans le roman mais 
              le personnage réagit beaucoup plus violemment; elle est furieuse 
              contre vendeur qui l'a traité avec indifférence, elle fait un véritable 
              esclandre dans le magasin.  
              La Jeong-hye du roman a une espèce de révolte qui est totalement 
              étrangère à la Jeong-hye du film. 
              C'est d'ailleurs le traitement de cette anecdote particulière qui 
              m'a fait entrevoir quel serait le personnage de Jeong-hye dans le 
              film.Je voulais conserver Cette scène m'avait beaucoup plu dans 
              le roman, il y avait quelque chose de jouissif, comme un revers 
              de situation, où l'espace d'un instant le faible bat le fort. J'ai 
              pourtant pris exactement le contre-pied, j'ai pensé que peut-être 
              il n'y avait pas de protestation envers le monde plus forte que 
              celle presque muette d'une jeune fille faible. Jeong-hye peut bien 
              protester, les gens ne lui accorderont aucune attention, elle deviendra 
              juste un peu plus bizarre à leurs yeux.  | 
           
           Il est pourtant question de révolte et ça 
            passe encore par un objet, le couteau qu'elle decide de prendre. Jusqu'à 
            cette scène, Jeong-hye semble subir ces objets et par eux le monde 
            extérieur - ceux qui lui évoquent sa mère, ceux que par peur qu'elle 
            préfère commander sur internet.  | 
          
           
             Bien sûr le moment où Jeong-hye prend ce 
                couteau est important mais ce n'est pas une scène isolée. Le couteau 
                semble surgir comme ça, s'imposer brutalement à Jeong-hye mais 
                elle n'a alors aucune conscience claire de son rôle, ça arrive 
                simplement parce qu'elle est rentrée avec cet inconnu dans le 
                motel et qu'elle veut le protéger de lui-même. Ce couteau mis 
                à part, le reste existe naturellement.  
                  
                J'ai d'abord voulu faire comprendre Jeong-hye, décrire l'air paisible 
                et solitaire qui l'entoure. Elle veut laisser intact l'appartement 
                où elle vivait encore avec sa mère; chez Jeong-hye, ce n'est ni 
                de la passivité ni de la complaisance mais c'est parce qu'elle 
                est hypersensible, le plus petit changement dans son environnement 
                pourrait avoir chez elle de grands effets. Et puis ces objets 
                qui l'entourent sont aussi comme une présence qui lui font oublier 
                sa propre solitude. 
              Le moment déterminant pour elle, c'est quand elle vient se recueillir 
              près de l'urne cinéraire de sa mère. Il y a ce flash-back dans le 
              film : elle n'a pas pleuré pendant les obsèques mais maintenant, 
              en revenant au funérarium, elle est capable de le faire. Elle comprend 
              enfin que sa mère a disparu et elle commence à ressentir cette perte. 
              Jeong-hye a toujours vécu dans le giron de sa mère parce qu'elle 
              la défendait, on la voit plaider en sa faveur devant sa tante : 
              'si elle réagit comme ça, c'est qu'elle a ses raisons..'. Jeong-hye 
              se rend compte qu'il y a plus personne pour la comprendre et que 
              si elle ne devient pas active, le monde risque de devenir trop dur 
              pour elle avec le chat qu'elle a trouvé et l'homme qui passe à la 
              poste.  
              Elle éprouve de façon soudaine la difficulté d'être au monde.  | 
           
           
            |  Jeong-hye vient chercher le peigne de sa 
              mère, elle en prélève quelques cheveux puis ressort de son bureau 
              en fermant doucement les lumières, c'est ici qu'elle fait véritablement 
              le deuil de sa mère ?  | 
           
           
            |  On peut voir ça comme ça, mais l'important 
              c'est que Jeong-hye vienne raconter à sa mère les choses qu'elle 
              était incapable de lui dire auparavant. Elle parvient enfin à se 
              libérer des blessures du passé.  | 
           
           
            |  'Caméra comme un chat sur l'épaule', "Hiroshima 
              mon amour" que Jeong-hye regarde à la télévision, vos influences 
              sont-elles à chercher du côté de la 'Nouvelle Vague' ?  | 
           
           
             Il y a un mal entendu à dissiper à propos d'"Hiroshima 
              mon amour" surtout que c'est pas un film que j'aime particulièrement. 
              L'image la plus banale qu'on trouve à la télévision en Corée, c'est 
              le télé-achat mais je ne pouvais quand même pas l'utiliser partout. 
              Je voulais mettre une série ou quelque chose d'approchant et puis 
              un assistant a ramené une cassette d'Hiroshima. C'est du pur hasard, 
              j'ai bien pensé que c'était ça ne pouvait pas être totalement innocent: 
              la preuve.  
              Sinon, c'est vrai que j'ai grandi en regardant des films de la nouvelle 
              vague, j'aime bien Truffaut par exemple, mais c'est pas une source 
              d'influences. Il n'y a pas de cinéma dont je me sente particulièrement 
              inspiré, encore moins l'hérité quelconque.  | 
           
           
              
                
                  
                     
                        | 
                     
                     
                      |   Remise des prix à Pusan 
                          | 
                     
                  
                 
                | 
           
           
            |  "Yoja, Jeong-hye" vient de recevoir 
              le prix 'New Current' à Pusan, Vous avez rencontrez certains programmateurs 
              de festivals européens... après Pusan, Berlin et Cannes ?  | 
           
           
             Pour être franc, je m'attendais vraiment pas 
              à ce qu'on réserve un tel accueil à ce film ... ce prix c'est un 
              très beau cadeau pour moi. 
              'Yoja..' sort en Corée au mois de mars prochain et l'important c'est 
              déjà qu'il trouve un public 'at home'.  | 
           
           
            |  Quels sont projets futurs? 
              On parle de deux nouveaux films avec LJ film "Love Talk" 
              (러브토크) et "Club Champang" 
              (클럽샴팡) (cf.3). Vous 
              n'avez plus de problème de production finalement ??  | 
           
           
             ..J'aimerais bien ! mais malheureusement c'est 
              pas aussi simple ... Comme je vous ai dit au début de cette interview, 
              j'ai écris durant 5 ou 6 ans des scénarios, je suis donc pas en 
              mal de projets cinématographiques ! Nous sommes entrain de réfléchir 
              avec LJ Film à la possibilité de faire ce film " Club Champang " 
              qui raconte l'histoire de voyous sous l'occupation japonaise mais 
              il n'y a aucune certitude …je ne suis pas pour autant fermé à d'autres 
              projets. 
              Ce qui est sûr, c'est que vous retrouverez souvent dans mes films 
              des personnages comme Jeong-hye..  | 
           
         
        1. Kim 
          Ji-soo a tourné dans une vingtaine de séries télévisées, on pourrait 
          citer "Vous revoir encore" (년 보고 또 
          보고)(1998 MBC) drâme sentimental typiquement confucéen 
          et plus récemment "L'Epoque des Héros" (영웅 시대)(2004,MBC) 
          histoire passionnelle dans le milieu des 'Chaebols' où elle incarne 
          une chanteuse de pansori amante du président historique de Hyundaï; 
          ou encore "FirstLove"(년 첫사랑) (2003,SBS), 
          "A river runs through it"( 흐르는 강물처럼)(SBS).. 
            
          2. '길거리의 
          돌맹이처럼 발에 채이다 
          ', Expression coréenne difficilement traduisible "
           
          3.'Club 
          champagne' dans une prononciation japonaise. 
          
         Remerciements à Yi Yoon-ki, Yi Young-Sun (LJ
            Film Co.), Yann.K, les traductions PARK Y-S  
et au Service presse du festival de Pusan  
        |